Ceux qui ont connu les joies du bon vieux modem 56K se souviennent sans doute qu’avant l’ADSL et ses forfaits illimités, les internautes surveillaient avec une certaine angoisse le temps passé sur Internet, dont les minutes se transformaient en euros supplémentaires sur la facture France Télécom. « Je me connecte juste pour regarder mes mails« . Qui ne s’est jamais promis cela après avoir déjà explosé le nombre d’heures permises dans son forfait de base ? Tout ça paraît être un mauvais souvenir. Mais il pourrait faire son grand retour.
En Amérique du Nord, les fournisseurs d’accès à Internet manifestent de plus en plus leur empressement à limiter la bande passante consommée chaque mois par des abonnés de plus en plus gourmands. Alors qu’hier la bande passante disponible était surtout accaparée par un faible pourcentage de P2Pistes qui laissent tourner eMule ou Bittorrent jour et nuit, aujourd’hui même les internautes les plus sages consomment beaucoup plus de bande passante qu’auparavant. La faute au développement explosif de la vidéo ces deux dernières années. Un véritable gouffre pour les FAI. Avec les e-mails et les pages web faites de textes et d’images, les internautes passaient beaucoup plus de temps à lire le contenu qu’à le télécharger. La bande passante était peu sollicitée. Avec la vidéo, le téléchargement se fait en même temps que la « lecture », en continu. Quelqu’un doit payer.
Ce seront soit les abonnés, soit les éditeurs de services Internet qui génèrent le plus de trafic. Cette dernière piste a été longtemps explorée. Si YouTube ou Dailymotion sont responsables d’une explosion de la bande passante payée par les fournisseurs d’accès, et s’ils profitent directement de cette bande passante pour générer leur chiffre d’affaires, il semble logique qu’ils contribuent au financement des infrastructures par le paiement d’une sorte de taxe « bande passante ». Mais aller dans cette direction c’est mettre le doigt dans un engrenage qui va contre le principe sacré de la neutralité du net. C’est considérer que ceux qui ne payeraient pas cette taxe, à commencer par les créateurs de solutions P2P open-source, verraient leur bande passante limitée par les FAI au profit de ceux qui la payent. Les dérives sont évidentes, et elles doivent être rejetées sans appel.
Mais si les coûts de bande passante continuent à augmenter pour les FAI, et il n’y a aucune raison que cela ne soit pas le cas, le prix de l’abonnement à Internet devra soit augmenter pour l’ensemble des abonnés, soit s’adapter à la consommation de chacun. Aux Etats-Unis, les fournisseurs d’accès semblent s’orienter dans cette dernière direction, ce qui ramène les internautes dix ans en arrière.
Time Warner Cable vient ainsi d’annoncer un nouveau modèle tarifaire par lequel les abonnés devront choisir entre différentes formules en fonction de la bande passante consommée, entre 5 et 40 Go par mois. Le prix sera de 29,95 dollars pour une limite de 5 Go de données par mois et une bande passante de 768 kbps, et de 54,90 $ par mois pour 40 Go à 15 mbps. Chaque Giga-octet consommé au delà de la limite sera facturé 1 $.
Comcast, qui a d’abord commencé par saboter les échanges par BitTorrent pour économiser de la bande passante, se prépare également à changer de tactique, pour adopter une posture plus respectueuse de la neutralité du net. Le FAI commence ainsi à tester cette semaine un bridage général du trafic des abonnés qui consomment le plus de bande passante, quel que soit le protocole employé. Les abonnés recevront un e-mail pour les prévenir du test. S’ils dépassent une limite de bande passante « élevée » qui n’est pas explicitée, leurs communications ne seront pas bloquées ou facturées à un prix plus élevé, mais ralenties. Comcast devrait généraliser cette formule d’ici la fin de l’année.
En France, la question n’est pas encore ouvertement soulevée par les FAI qui ont déjà commencé à se faire la guerre autour de la fibre optique. Mais en coulisses, le débat est bel est bien entamé. Il s’est déjà fait ressentir discrètement lors d’un conflit entre Dailymotion et Neuf. Le FAI, fâché de payer seul la note de la bande passante, avait restreint l’accès au site pour ses abonnés.
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