Le Sénat a approuvé l’article 24 de la loi sur la sécurité globale. Il a été réécrit, mais les critiques demeurent.

248 voix pour et 97 voix contre. Le Sénat a adopté ce jeudi 18 mars le très décrié article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, qui traite de l’enregistrement et de la diffusion d’images montrant des forces de l’ordre pouvant être identifiées. Il s’agit toutefois d’une version très différente de l‘article 24 adopté en novembre dernier lors de son examen à l’Assemblée nationale.

En effet, l’article a été profondément remanié en commission des lois du Sénat, au début du mois. Il n’est plus fait mention de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais du code pénal. Ce changement vise à lever les incertitudes que la précédente rédaction de l’article 24 faisait planer sur la liberté d’informer. La droite, majoritaire au Sénat, avait promis de remanier cet article pour écarter ce risque.

L’article 24 réécrit par le Sénat se focalise désormais sur la « provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification » d’un membre des forces de l’ordre en opération. Il n’est plus évoqué la diffusion du visage ou de tout élément permettant l’identification d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de gendarmerie.

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Des forces de l’ordre en opération. // Source : Jeanne Menjoulet

Cet article vise la police nationale, la gendarmerie, la police municipale et les douanes (qui ont été ajoutés par un amendement) et prévoit une peine de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Par ailleurs, le Sénat a ajouté en commission une seconde incrimination consistant à sanctionner les personnes constituant des fichiers illicites ciblant les fonctionnaires. Ici, il est prévu cinq ans de prison et 300 000 euros d’amende.

En séance, tous les amendements qui ont cherché à supprimer ce nouvel article 24 (les n°90, 116, 229 et 281) ont été rejetés. Un autre, qui proposait d’élargir ses dispositions aux agents de police municipale, aux gardes-champêtres et aux sapeurs-pompiers, a aussi été évincé. Le seul amendement approuvé apporte des précisions pour protéger de la même façon les parents des forces de l’ordre, au cas où des menaces seraient dirigées contre eux. Le texte prévoit déjà une protection équivalente pour les descendants et le partenaire, dans le cas d’un couple.

La réécriture large de l’article 24 n’a toutefois pas suffi à faire lever les critiques. Outre des peines alourdies, elles pointent une rédaction trop large, qui expose à des interprétations contradictoires du texte, mais aussi arbitraires. C’est l’inquiétude qu’exprime par exemple la sénatrice Esther Benbassa, qui dénonce une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression.

Quelles suites pour l’article 24 ?

En fin d’après-midi, le Sénat a adopté le jeudi 18 mars la proposition de loi sur la sécurité globale, avec l’examen des derniers amendements et articles. Cependant, du fait des différences entre le texte examiné dans la chambre haute du parlement et celui qui a été pris à l’Assemblée nationale, une commission mixte paritaire composée de sept sénateurs et sept députés devra être mise sur pied.

Il n’y aura pas de deuxième examen législatif : le gouvernement a choisi d’engager la procédure accélérée sur ce texte. Un consensus devra être dégagé dans la commission mixte paritaire, avant une nouvelle lecture dans les deux chambres. En cas d’échec, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot. Toutefois, la majorité à l’Assemblée nationale a laissé entendre, en tout cas sur l’article 24, qu’elle pourrait se rallier à l’avis du Sénat.

Le président de la République aura ensuite quinze jours pour promulguer la loi. L’entrée en vigueur du texte surviendra le lendemain de sa publication au Journal officiel, hormis pour les mesures qui dépendent de textes complémentaires — des décrets d’applications — afin de préciser les modalités de leur mise en œuvre. Voilà pour le parcours classique. Mais la loi sur la sécurité globale doit passer par une dernière étape.

Le Premier ministre Jean Castex a indiqué l’an dernier son intention de saisir le Conseil constitutionnel. Selon la version de l’article 24 qui aura été retenue, un risque de censure plus ou moins important existe. La disposition pourrait alors être écartée par l’instance chargée de vérifier la conformité  des lois à la Constitution française. Tout comme, d’ailleurs, d’autres pans de la loi sur la sécurité globale.

(mise à jour avec l’adoption de la loi au Sénat)

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