C’est peut-être le tout premier délit commis dans l’espace. La NASA enquête sur une astronaute américaine qui aurait accédé illégalement à un compte bancaire et envoyé des mails de menace depuis la Station spatiale internationale.

C’est une « première » dont la NASA se serait bien passée. L’astronaute américaine Anne McClain, qui a séjourné à bord de la Station spatiale internationale (ISS) entre décembre 2018 et juin 2019 dans le cadre des expéditions 58 et 59, est devenue la toute première personne à être accusée d’avoir commis un délit dans l’espace. C’est ce que révèle le New York Times dans son édition du 23 août.

Mais de quel délit cette spécialiste en ingénierie mécanique est-elle accusée ? L’affaire, en réalité, est d’une consternante banalité : son ex-femme, Summer Worden, l’accuse d’une part d’avoir envoyé des courriers électroniques de menace et d’avoir accédé illégalement à un compte bancaire. Sauf que ces actions ont été entreprises à près de 400 kilomètres d’altitude, dans une station en orbite autour de la Terre.

Anne McClain astronaute

Anne McClain, quelques jours avant de rejoindre l'ISS.

Source : NASA/Victor Zelentsov

C’est là la grande première, si les faits sont avérés.

Naturellement, Anne McClain conteste les faits. Sur Twitter, l’intéressée déclare le 24 août « qu’il n’y a catégoriquement rien de vrai dans ces affirmations. Nous avons vécu une séparation douloureuse et personnelle qui est hélas maintenant dans les médias. J’apprécie le soutien qui m’est manifesté et je réserverai mes commentaires jusqu’à la fin de l’enquête. J’ai une confiance totale dans le processus de l’inspection générale ».

Sollicité par le New York Times, l’avocat d’Anne McClain confirme que sa cliente a certes eu accès au compte en banque depuis l’espace, mais il s’agissait juste de vérifier que son ex-compagne disposait de fonds suffisants pour payer les factures et élever correctement l’enfant qu’elles élevaient ensemble. Ces vérifications se déroulaient déjà du temps de leurs relations, ajoute-t-il, avec l’assentiment de Summer Worden. Sa cliente assure qu’elle ne savait pas que l’accès à ce compte lui est désormais interdit.

Dans le détail, Anne McClain est suspectée d’usurpation d’identité et d’accès irrégulier aux dossiers financiers privés de Summer Worden. Des plaintes ont été déposées auprès de l’inspection générale de l’agence spatiale américaine, mais aussi de la commission fédérale du commerce (FTC), une agence indépendante américaine qui s’occupe notamment de la protection des consommateurs.

Désormais, c’est aux enquêteurs de démêler les fils de cette affaire.

La loi s’applique dans l’ISS

Reste toutefois une question : si jamais les faits sont avérés, le droit peut-il s’appliquer dans l’espace ? Et le cas échéant, quel droit ?

En fait, les choses sont en principe assez simples à bord de l’ISS : chaque module ajouté à l’ISS est soumis à la législation du pays qui l’a construit. Ainsi, un astronaute à bord d’un module américain, qui a été immatriculé par les États-Unis, est soumis au droit américain. Idem pour un module japonais, canadien ou russe. Cela vaut pour les affaires civiles. En matière pénale, c’est un peu différent.

Selon le traité international qui a été signé le 29 janvier 1998 entre les États qui participent à l’ISS. Chaque État conserve la juridiction pénale sur ses propres ressortissants. Si par exemple, un Français commet un crime ou un délit à bord, il serait soumis à la juridiction pénale française, qu’importe le module où se déroulerait l’infraction. C’est la même chose pour les autres nationalités.

En fonction de la nature des faits, il est prévu que l’État dont le ressortissant a commis un crime ou un délit doit consulter l’État qui serait éventuellement lésé, s’il en fait la demande. Celui-ci peut alors exercer lui-même la juridiction pénale sur l’astronaute, seulement si une de ces deux conditions est satisfaite : que l’autre partie donne son accord ou s’il ne donne pas toutes les assurances qu’il soumettra bien l’affaire à la justice.

Dans l’affaire qui oppose Anne McClain et Summer Worden, les choses sont a priori assez simples à établir : les deux femmes sont de nationalité américaine et, comme il s’agit d’une affaire pénale, c’est leur nationalité qui prime. Donc, même si Anne McClain avait fait ce qu’on lui reproche depuis module étranger, c’est bien la justice américaine qui serait mobilisée pour trancher.


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