Depuis quelques jours, les militants arborant des gilets jaunes se plaignent d’une « censure » de Facebook. Joint par Numerama, le réseau social s’en défend. Plongée au cœur d’une théorie du complot qui prend de l’ampleur.

Samedi 17 novembre, ils étaient plus de 280 000 Gilets jaunes à protester à travers la France. Beaucoup parmi eux, s’étaient donné rendez-vous sur Facebook. Problème : depuis quelques jours, les militants disent voir leurs publications supprimées, leurs comptes suspendus, et les pages sur lesquelles ils échangeaient, elles, disparaissent.

Un mouvement organisé sur Facebook

Sur Facebook, il suffit de taper « Gilets jaunes » dans la barre de recherche pour se rendre compte que c’est ici que le mouvement s’organise. Ceux qui multiplient les blocages contre les hausses successives des prix du carburant ces derniers mois y ont créé des groupes et des pages.

La page « nos gilets jaunes » est l'une des plus populaires. // Source : Capture d'écran Facebook / Numerama

La page « nos gilets jaunes » est l'une des plus populaires.

Source : Capture d'écran Facebook / Numerama

Les pages plus populaires, comme « Nous gilets jaune » et « Les gilets jaunes » comptent plus de 20 000 « j’aime ». Les groupes locaux eux, rassemblent des centaines d’utilisateurs de Facebook. Le mouvement des Gilets jaunes a même son Neurchi, une communauté qui rassemble des mèmes sur le sujet.

Sur ces pages, que l’on compte par dizaines, les militants échangent les dates et lieux des prochains rendez-vous. Ils se partagent des articles de presse, régulièrement qualifiés de « propagande », et surtout, depuis quelques jours, ils se plaignent de « censures » effectuées selon eux par Facebook.

Le bug du 20 novembre, lié aux gilets jaunes ?

Les premières accusations ont émergé sur les groupes mi-novembre. On voit par exemple ici le commentaire d’une militante sur le groupe « Je suis gilet jaune ! ». Daté du 19 novembre, il explique que « Facebook bug énormément ce soir »… « comme par hasard ».  Un internaute commente « censure au také [sic] ».

Un commentaire daté du 19 novembre. // Source : Capture d'écran Facebook / Numerama

Un commentaire daté du 19 novembre.

Source : Capture d'écran Facebook / Numerama

Les accusations se sont cependant multipliées depuis le mardi 20 novembre. Ce jour-là, Facebook a subi de nombreuses pannes. Contrairement à ce que l’on lit sur beaucoup de groupes de gilets jaunes, ce n’était pas qu’en France : d’autres pays ont également été touchés, comme le montre cette carte Down Detector, où sont recensées les plaintes d’internautes lorsqu’un site plante.

Carte DownDetector capture d'écran le 20 novembre 2018 // Source : Downdetector

Carte DownDetector capture d'écran le 20 novembre 2018

Source : Downdetector

Le réseau social a rapidement expliqué que ceci était lié à des « dégradations de performances » du site, qui semblent avoir été particulièrement importantes en région parisienne, à Lyon et Strasbourg, comme on le voit sur cette carte.

Carte DownDetector capture d'écran le 20 novembre 2018 // Source : Downdetector

Carte DownDetector capture d'écran le 20 novembre 2018

Source : Downdetector

Pour les gilets jaunes, c’est certain : Facebook a été coupé pour éviter aux militants de pouvoir s’organiser. Certains ont expliqué ironiquement qu’ils trouvaient cela « malin », tandis que d’autres disaient être habitués aux bugs du réseau social, assez « courants » selon eux.

Joint par Numerama, Facebook a confirmé qu’il s’agissait bien d’un malheureux hasard. « Une configuration de serveurs a causé des problèmes par intermittence sur tous les services [Facebook] et partout dans le monde, dégradant l’expérience des utilisateurs », nous dit un porte-parole. Cela concernait Facebook, Messenger, Instagram, mais aussi d’autres services comme Oculus.

« Le problème a depuis été résolu, nous sommes de retour à 100 % pour tout le monde », a-t-il ajouté, avant de s’excuser pour les dommages occasionnés par ce bug.

Des comptes signalés, des publications qui disparaissent

Le bug n’est pourtant pas le seul problème, selon les Gilets jaunes. Ces derniers observent depuis d’autres types de censure. Ils sont plusieurs à se plaindre que leurs messages soient supprimés, ainsi que les pages et groupes. Certains disent même que leur compte a été suspendu.

Les Gilets jaunes sont en conséquence devenus précautionneux. Ils invitent les autres militants à ne pas partager leurs publications, histoire de ne pas attirer l’attention de Facebook, et conseillent plutôt de copier / coller le texte publié dans un autre message en guise de partage.

Un message posté par une militante. // Source : Capture d'écran / Facebook

Un message posté par une militante.

Source : Capture d'écran / Facebook

Facebook nie ses accusations. Le réseau social a mené l’enquête sur les pages des événements (par exemple, celles dédiées à un rassemblement) qui semblaient avoir disparu, et a constaté que ses administrateurs les avaient tout simplement supprimées. Concernant les comptes d’utilisateurs et les posts, l’hypothèse est évidemment là encore réfutée.

Pour les comptes, il faut savoir qu’ils peuvent être désactivés pour les raisons suivantes :

  • utilisation d’un faux nom ou d’un pseudonyme,
  • publication de contenus qui ne respectent pas les conditions d’utilisations de Facebook,
  • usurpation d’identité, comportement problématique récurent, ou intimidations.
Le signe de ralliement du mouvement : le gilet jaune. // Source : Wikipédia / Numerama

Le signe de ralliement du mouvement : le gilet jaune.

Source : Wikipédia / Numerama

Concernant les publications, elles peuvent être supprimées si elles ont été repérées par les algorithmes de Facebook (ils sont capables de détecter des spams si vous postez un nombre anormal de messages d’un coup, des photos ne respectant pas leurs conditions d’utilisation, etc), ou si elles ont été signalées par des utilisateurs.

Emmanuel Macron a-t-il quelque chose à voir avec ça ?

Concernant enfin le partenariat entre Facebook et le gouvernement français, autour duquel de fausses informations circulent. Ce partenariat a bien été annoncé le 12 novembre par Emmanuel Macron. Mais il s’agit d’un partenariat qui n’a pour objectif que de lutter contre les contenus haineux et illégaux sur Internet. Et ce partenariat ne connaîtra ses premières expérimentations qu’au premier trimestre de 2019. Il est donc impossible qu’il soit à l’origine d’une quelconque censure.

Un message posté sur l'un des groupes Gilets jaunes. // Source : Capture d'écran Facebook / Numerama

Un message posté sur l'un des groupes Gilets jaunes.

Source : Capture d'écran Facebook / Numerama

Si vous pensez que votre compte ou vos publications ont été supprimées de manière abusive, il suffit de faire une petite réclamation à Facebook, via ce formulaire.

Des Gilets jaunes ont décidé de prendre les devants, et ont migré vers d’autres plateformes comme Telegram ou le « Facebook » russe VKontakte. Pour le moment, le mouvement y semble moins actif que sur Facebook : les groupes ne dépassent pas encore les 300 membres.

Sur VKontakte, quelques groupes sur les gilets jaunes. // Source : Capture d'écran / Vkontakte

Sur VKontakte, quelques groupes sur les gilets jaunes.

Source : Capture d'écran / Vkontakte

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