A défaut d'écouter les opposants et d'éviter la dérive de la détection de suspects par des algorithmes qui étudieront les communications de tous les internautes dans des boîtes noires, le Gouvernement aura au moins fait un premier pas qui témoigne qu'il n'est pas tout à fait à l'aise avec cette idée orwellienne.
Pour rassurer ceux qui craignent les dérives totalitaires et la perte de contrôle d'une telle mesure qui donne le pouvoir aux mathématiciens et à une intelligence artificielle, le Gouvernement a déposé lundi lors de l'examen du projet de loi sur le Renseignement un amendement N°399 qui dispose que le dispositif de détection des futurs terroristes par algorithmes s'éteindra le 31 décembre 2018, sauf à ce qu'il soit renouvelé par une loi de prorogation. En tout état de cause "la technique qu’il institue fait l’objet d’une évaluation avant tout renouvellement éventuel", prévient le texte gouvernemental, qui devrait être adopté sans difficulté par le Parlement.
Dans les motifs de l'amendement repéré par Benoît Tabaka (lobbyiste chez Google), le Gouvernement reconnaît que "le caractère novateur du mécanisme créé par l’article L. 851-4 justifie une clause de rendez-vous fin 2018". En langage diplomatique, ça veut dire qu'il reconnait qu'il s'agit d'une arme incroyablement dangereuse pour les libertés publiques, mais qu'il ne veut pas encore renoncer à son jouet. Il est prêt toutefois à le laisser mourir de sa belle mort si par chance, le législateur oubliait de le renouveler.
UNE ÉVALUATION, OUI, MAIS PAR QUI ?
Le Gouvernement emprunte ainsi la logique heureuse qui existe dans le Patriot Act américain, dont certaines dispositions doivent être régulièrement prorogées par les élus.
Comme nous le rappelions dans notre article de contre-argumentaire à la loi Renseignement, il est toujours beaucoup plus difficile de voter un texte qui supprime des mesures sécuritaires que d'adopter un texte qui en ajoute. Il est donc heureux qu'au minimum, le Gouvernement aménage la possibilité de laisser la loi sécuritaire expirer.
On notera toutefois le flou du texte qui demande qu'une évaluation soit faite, sans préciser qui fera cette évaluation, ni sous quelle forme. On doute qu'il s'agira d'une évaluation indépendante, d'autant que le Gouvernement précise que "le mécanisme ne pourra être renouvelé par la loi que si cette évaluation est positive".
Et qu'est-ce qu'un résultat "positif" ? Suffira-t-il de démontrer que les boîtes noires ont permis de détecter des terroristes en puissance, ou l'évaluation portera-t-elle plus globalement sur le nombre d'atteintes à la vie privée mises au regard du nombre de suspects détectés, et du nombre d'attentats déjoués qui n'auraient pas pu être déjoués en l'absence de boîtes noires ?
Autant de questions qui devront être précisées cette semaine par sous-amendements, ou lors de l'examen au Sénat.
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