Ce mercredi, le Gouvernement a fait publier au Journal Officiel un arrêté du 21 mars 2014 qui modifie les règles de composition et de fonctionnement du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). L'institution avait été créée en 2000 par Lionel Jospin pour éclairer le ministère de la Culture sur les évolutions du droit d'auteur et de son application, en particulier dans le cadre du développement d'Internet et des outils numériques. Près de quinze ans plus tard, l'arrêté publié ce mercredi renforce le ministère de la Culture et fait disparaître de la composition du CPLSA le membre de droit qui était issu du ministère de la Justice.
Il est permis d'y voir tout un symbole.
La suppression du représentant désigné par le ministère de la Justice intervient en effet dans une période charnière, au moment où les ayants droits font pression pour que les juges soient mis à l'écart des procédures de sanction des violations du droit d'auteur sur Internet.
Les ayants droits y étaient déjà parvenus en partie sur le P2P avec Hadopi, qui ne sanctionne pas directement l'internaute mais qui permet de menacer de sanctions pénales ceux qui sont accusés de piratage (sans qu'il ne soit plus nécessaire de demander à un juge qu'il ordonne au FAI de livrer l'identité de l'abonné masqué derrière une adresse IP, puisque tout se fait directement entre les ayants droit, l'administration et les FAI).
Une justice sans juge
Ils espèrent y arriver aussi et surtout sur les services en ligne de streaming et de téléchargement direct, un domaine où les plateformes appliquent leur justice privée par contrats et où il est possible de faire pression pour qu'elles le fassent avec un zèle qui excède les prescriptions de la loi.
Ainsi, le rapport que doit présenter dans quelques jours la présidente de la commission de protection des droits de l'Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta (MIQ), visera à institutionnaliser un chantage sur les acteurs privés, en les poussant à se faire à la fois policiers et juges — pour éviter notamment de tomber dans des "listes noires" destinées aux outils de filtrage, ou pour bénéficier de mesures de faveur. Le juge diplômé et indépendant, lui, sera largement écarté du dispositif et n'interviendra qu'en cas d'extrême rébellion de la plateforme privée, si elle refuse de collaborer.
Il est à cet égard également symbolique de voir que l'arrêté modifie légèrement la composition du CSPLA pour ajouter un troisième "représentant des éditeurs de services en ligne", qui fera cependant face à 26 représentants d'ayants droit (voire même 30 si l'on y ajoute les radios et télévisions). Au moment où le représentant des juges institutionnels est écarté, un représentant de la justice privée est ajouté.
Ces derniers mois, le CSPLA a ouvert de nombreux chantiers, dont une mission confiée au professeur Pierre Sirinelli (celui qui ne se couche jamais) visant à élaborer la position française sur l'éventuelle révision de la directive européenne de 2001 sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information. Le CSPLA, qui a récemment accueilli comme membre l'architecte de la loi Hadopi, a également ouvert des travaux sur l'impact du data mining, sur l'encadrement des pratiques de remixs et mashups, ou encore sur les oeuvres orphelines.
Outre la suppression du représentant du ministère de la Justice, l'arrêté du 21 mars renforce également les pouvoirs du président du CSPLA (désigné par le Gouvernement parmi le corps des conseillers d'Etat), en supprimant "le suivi et la coordination des travaux" qui était assuré par un bureau élu parmi les membres du CSPLA.
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