Selon le correspondant moscovite du Financial Time, Telegram, la messagerie chiffrée des frères Durov, a répondu favorablement aux demandes de Moscou.
Le Roskomnadzor, chien de garde de l’internet russe, avait, pour rappel, menacé de bloquer le service si celui-ci ne s’engageait pas à travailler en bonne intelligence avec les autorités.
En apparence, une victoire pour la Russie
Ce mercredi, Pavel Durov, co-fondateur de la messagerie et émigré russe, a précisé qu’il se conformerait aux requêtes de l’État russe.
Bien que réservé sur les suites qu’il donnera à cette collaboration avec le Roskomnadzor, Durov assure là une victoire au moins symbolique pour Aleksandr Zharov, à la tête de l’agence et qui, par différents biais, multipliait les menaces à l’encontre de la messagerie chiffrée ces dernières semaines.
Zharov avait invité à Durov à inscrire sa société au registre officiel que les Russes tentent d’éditer. Ce dernier doit rassembler toutes les entreprises du web souhaitant, selon les mots du fonctionnaire, « travailler en accord avec la réglementation nationale ». Ce registre n’est en tant que tel pas engageant : il réunit simplement les informations sur les entreprises souhaitant rester en ligne en Russie. Et c’est, selon Pavel Durov, pour cela que Telegram a accepté de céder aux menaces.
Le co-fondateur a en effet été clair : son entreprise accepte de rejoindre la base de données du Roskomnadzor, mais ne se conformera pas aux lois sur les données.
Rappelons que ces dernières, qui sont soit entérinées par la Douma ou en cours d’adoption, exigent des services web un accès très large à leurs données : au minimum, les autorités veulent accéder à toutes les communications et données des six derniers mois, et aux métadonnées liées à ces dernières durant trois années. Ajoutons que cette armada législative sera complétée dès l’année prochaine par d’autres dispositifs, notamment la réquisition des clefs privées pour les communications chiffrées.
Pour de nombreux observateurs, ces lois sont aussi dangereuses qu’inapplicables. Le FT considère par exemple que les opérateurs téléphoniques russes qui y sont soumis n’auront probablement jamais l’infrastructure technique pour soutenir une telle surveillance et la conservation des données de leurs utilisateurs.
« S’ils veulent nous bloquer, autant le faire pour une raison sérieuse »
Au quotidien financier, Durov ne cache pas ses intentions. « Nous ne voulions pas donner aux autorités une chance de bloquer Telegram sous prétexte que nous n’aurions pas livré des données absurdes comme le nom de notre société. S’ils veulent nous bloquer, autant qu’ils le fassent pour une raison sérieuse » critique celui qui quittait en 2013 la Russie à cause des pressions gouvernementales qui touchaient alors Vkontakte, sa précédente société.
Zharov a tout de même souhaité prendre la parole pour se féliciter du choix des Durov. Le chef du Roskomnadzor a précisé à une agence presse privée : « Nous nous félicitions de cette positon. Je suis sûr que toutes les compagnies de télécommunication internationales devront faire la même chose. Suivre les lois de la Russie est obligatoire pour toutes les sociétés qui travaillent sous la juridiction russe. »
Mais à l’évidence, le bras de fer entre l’état Russe et Telegram n’est pas terminé. Le Roskomnadzor devra alors, si les Durov se tiennent à ces déclarations, procéder à un arbitrage délicat : bloquer Telegram, messagerie très populaire dans le pays qui a bercé ses créateurs, les charismatiques Durov ?
Pour le moment, l’État russe prépare sa deuxième manche avec Telegram. Depuis les menaces de Zharov, la télévision publique a publié une série de reportages réalisés avec les services secrets sur l’utilisation de la messagerie par les terroristes. Le pouvoir tente de rendre coupable la messagerie, aux yeux des Russes, de la menace terroriste et du trafic de drogue local.
Le FSB est allé jusqu’à annoncer, lundi, que Telegram serait l’allié naturel des terroristes à cause du chiffrement, une technologie qui sert selon les services secrets russes à « cacher des conspirations criminelles ». Frappée récemment par des terribles attaques terroristes, la Russie semble plus que jamais prête à entendre ce type de discours.
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