La version russe de Wikipédia s'invite dans les débats législatifs à la Douma. Pour protester contre une proposition de loi actuellement examinée par les parlementaires, elle a fermé ses portes toute la journée de mardi. Selon les contributeurs de la Wikipédia russophone, le texte risque d'aboutir à une censure extrajudiciaire encore plus prononcée qu'auparavant.

L'acte est symbolique et vise surtout à marquer les esprits. Les contributeurs de la version russe de Wikipédia ont décidé ce mardi de fermer temporairement l'accès à l'encyclopédie libre et gratuite afin de dénoncer les effets potentiels d'une proposition de loi actuellement examinée à la Douma, la chambre basse du parlement russe. En lieu et place du site, un logo barré de noir et un court message.

"Représentez-vous un monde sans connaissances libres", met en garde le message écrit en cyrillique. Selon les opposants au texte, la proposition de loi et les amendements discutés par les parlementaires pourraient aboutir à une censure extrajudiciaire de l'information sur Internet. Des sites web se retrouveraient dans une liste noire sur laquelle les FAI se baseraient pour filtrer les contenus.

Reporters Sans Frontières a d'ailleurs consacré un article à ce texte de loi.

"L'Etat tente d’accroître son contrôle du Web sur le plan légal, au nom de la lutte contre l’extrémisme ou la protection des mineurs. Le 7 juin 2012 a été présenté à la commission parlementaire sur la famille, les femmes et les enfants de la Douma, un texte comprenant […] la création d’un registre unique de domaines et de sites Internet qui contiennent des informations interdites de diffusion en Russie".

"Ce registre serait créé et géré par une agence fédérale nommée par le gouvernement. […] Selon la version actuelle du texte, les contenus interdits considérés comme particulièrement nocifs, notamment pour les enfants, comme la pornographie, la promotion du suicide, d’idées extrémistes ou de l’usage de drogue pourront être mis immédiatement sur liste “noire”. Les autres devront d’abord faire l’objet d’une décision de justice".

Or, les détracteurs du texte craignent une dérive de l'autoritaire. La notion "d'idée extrémiste" est floue et, surtout, subjective. Tout est question d'interprétation et il serait relativement aisé d'étendre la liste des contenus interdits à des formes d'expression légitimes, en particulier celles critiquant le pouvoir en place. C'est, en fin de compte, mettre un doigt dans un terrible engrenage juridique.

Pour illustrer cette tentation de contrôler ce qui se dit en ligne, RSF cite le cas du site d'information ruelect.com qui a été bloqué en décembre lors des importantes manifestations accusant le pouvoir d'avoir fraudé lors des dernières élections législatives. Si les sites d'information peuvent ainsi être visés, les réseaux sociaux tels Twitter ou Facebook sont également des cibles potentielles.

La Russie est l'un des rares pays à faire partie du club très fermé des nations sous surveillance, c'est-à-dire des États dont les récentes évolutions législatives sont considérées comme nuisibles à l'exercice des droits fondamentaux sur les réseaux de télécommunications. D'ordinaire, ce sont des pays totalitaires ou autoritaires qui sont brocardés par RSF. Mais on trouve aussi l'Australie, la Corée du Sud et la France.

Ce n'est pas la première fois que Wikipédia se mobilise contre un texte de loi jugé néfaste par ses contributeurs. L'an dernier, un black-out avait été organisé pour la version italienne italienne du site pour protester contre une loi imposant aux sites de publier sous 48 heures une correction de n'importe quel contenu sur demande d'un plaignant.. Plus récemment, la version américaine du site avait fermé ses portes lors des débats sur PIPA et SOPA.

La Wikipédia russophone compte plus de 870 000 articles. Elle se trouve en huitième position dans le classement des Wikipédias par nombre d’articles, derrière l'anglais, l'allemand, le français, le néerlandais, l'italien, le polonais et l'espagnol.

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