La Hadopi indique avoir reçu le procureur adjoint, les magistrats et fonctionnaires chargés des procédures de contrefaçon et des futures procédures de négligence caractérisée. Cette rencontre avait pour objectif de les sensibiliser à la riposte graduée, même si à ce jour aucun dossier n’a été transmis au parquet.

Depuis la mise en route de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, plus de 400 000 courriers électroniques et 3 500 lettres recommandées auraient été envoyés aux internautes suspectés d’enfreindre le droit d’auteur sur Internet. La dernière étape, la transmission des dossiers au parquet, n’a toujours pas été déclenchée. La riposte graduée reste donc, pour le moment, très limitée dans son action.

Cet état de fait n’empêche évidemment pas la Haute Autorité de préparer la suite des évènements. Dans un communiqué publié jeudi, la Hadopi indique qu’elle a entamé une opération de sensibilisation auprès des magistrats du parquet, « qui peuvent avoir à connaître des procédures de réponse graduée diligentées par la Commission de protection des droits (CPD)« .

« Les missions et le fonctionnement de la Haute Autorité et la mise en œuvre de la procédure de réponse graduée par la CPD leur ont été présentées » explique la Hadopi. « Au cours de la rencontre, le professeur Pierre Sirinelli a présenté le droit d’auteur tel qu’il s’applique à Internet« . « Cette intervention a été complétée par une présentation des modes de téléchargement » est-il encore précisé.

Pour la Hadopi, cette opération était importante pour « re-contextualiser la procédure menée par la Commission de protection des droits et de présenter ses enjeux juridiques et techniques. Cette session de formation a notamment été l’occasion d’expliquer aux magistrats qui auront à connaître des procédures de négligence caractérisée, la mise en œuvre concrète de la loi et en particulier de la procédure de réponse graduée« .

La transmission des dossiers au parquet pourrait toutefois se heurter à un mur. En effet, elle offrirait la possibilité d’entamer une contestation judiciaire de tout le dispositif de riposte graduée mis en place par le gouvernement. En cas de victoire, c’est tout l’édifice qui pourrait alors s’écrouler. Une hypothèse loin d’être impossible, puisqu’il n’y a pas de procédure certifiée de collecte des preuves.

Le retour du professeur Pierre Sirinelli

Rappelons par ailleurs que Pierre Sirinelli a rédigé de nombreux rapports et conduit plusieurs missions pour le compte du ministère de la culture ou pour celui des ayants droit. Il a publié notamment un rapport très favorable à l’utilisation des DRM, en 2005, niant l’existence d’un droit d’une exception pour copie privée dans l’univers numérique, tout en préconisant la responsabilité pénale des auteurs de logiciels peer-to-peer.

Le professeur de droit, spécialiste du droit d’auteur, a également produit un livre blanc défendant le principe du filtrage du net et dont le commanditaire… était le SNEP, le principal lobby de l’industrie du disque en France. La même année, en 2007, Pierre Sirinelli, avait aussi mené une mission sur la « responsabilisation des prestataires Internet, hébergeurs et FAI sur le contenu qui transite » sur leur réseau.

Deux ans plus tard, l’omniprésent Pierre Sirinelli s’est employé à conduire une mission, confiée par l’ancienne ministre de la culture Christine Albanel, afin de favoriser la signature d’un accord de filtrage sur les sites web 2.0. Par la suite, le secrétaire d’Etat à l’industrie et à la consommation, Luc Chatel, lui a confié une mission de lutte contre la contrefaçon sur Internet.

Est-ce si étonnant, au regard des organismes liés à Pierre Sirinelli ?

Il est en effet directeur du CERDI (Centre d’Études et de Recherche en Droit de l’Immatériel), président de l’AFPIDA (Association pour la protection internationale du droit d’auteur), vice-président de l’ALAI (Association Littéraire et Artistique Internationale), membre du CSPLA (Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique, rattaché au ministère de la culture), et membre de l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT).

Cet activisme interpelle, surtout que le professeur Sirinelli est encore appelé à la rescousse, cette fois par la Hadopi. Comme nous l’indiquions en 2009, quelles que soient les qualités professionnelles par ailleurs incontestables de l’éminent juriste qu’est Pierre Sirinelli, sa participation systématique à toutes les missions et tous les rapports sur la question du droit d’auteur sur Internet interpelle, et pose, une fois encore, question.

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