Le processus populaire de lent effacement de la mémoire soviétique ukrainienne a commencé à la dislocation de l’URSS. Naturellement, les peuples des états soviétiques, reprenant la main sur le destin de leurs nations, se sont attaqués aux symboles de l’ère soviet imposé par la domination de la nation russe à ses satellites. Les photos du démantèlement des statuts et des monuments soviétiques ont traversé les décennies tant aujourd’hui encore, elles expriment un instant de rupture dans la mémoire en Occident.
Au tournant des années 2010, l’expansionnisme de la Russie à l’égard de certains anciens satellites soviétiques a ravivé des vagues de décommunisation. Jusqu’à arriver à l’apogée du retour de cette volonté populaire d’en finir avec la mémoire de l’URSS, pendant les manifestations des euromaïdans. Ce n’était plus tant le soviétisme qui était attaqué, que la domination russe et les velléités de la fédération. Le gouvernement de Petro Porochenko promulguera ainsi le 15 mai 2015 de nombreuses lois mémorielles allant dans ce sens, pour en finir avec les derniers vestiges de l’ère soviétique et avec son lien fratricide avec la Russie.
Je pense que c’est une politique à courte vue, j’espère que cette erreur de Google sera corrigée
Symboliquement toutes les villes et lieux qui avaient été renommés pendant l’URSS avec des noms russophones et communistes seront progressivement changés pour retrouver leurs noms ukrainiens.
Le paquet de lois mémorielles est alors constitué et comprend, juridiquement, une condamnation des régimes totalitaires communistes et nationaux-socialistes en Ukraine, impliquant une interdiction de leurs symboles et de leur propagande.
Néanmoins, alors que le Kremlin avait depuis 2002 réclamé que l’Ukraine soit plus intransigeante concernant sa décommunisation, en 2016 le Kremlin a radicalement changé de position et critique désormais ces lois. En effet, depuis les événements en Crimée, la tension symbolique entre les deux pays est à son comble, or lorsque l’Ukraine compte appliquer ses lois mémorielles, le cas de la péninsule est alors motif à dissensions. Pour Moscou, si les lois mémorielles ukrainiennes sont appliquées en Crimée, ce serait une forme de non-reconnaissance de l’annexion, discutable, du territoire par la Russie.
Néanmoins, c’est Google qui cette semaine relance la discorde en ayant fini par prendre une position sur la question de la Crimée après avoir longtemps tâtonné. Le géant américain a en effet choisi d’appliquer les lois mémorielles et a changé les derniers noms se rapportant au communisme, alors que la Russie ne souhaite pas appliquer ces changements sur son territoire.
Ainsi, le ministre russe Nikolaï Nikiforov a déclaré à la télévision à propos du choix de Google : « Je pense que c’est une politique à courte vue, j’espère que cette erreur sera corrigée. Si la société Google accorde si peu d’attention à la loi russe et aux noms des localités russes, elle ne pourra pas faire un business efficace sur le territoire de Russie ». Menaçant la société, la Russie de Poutine ne sous-estime jamais le poids des symboles.
Une solution diplomatique en vue
Google avait déjà été au cœur des tractations entre l’Ukraine et la Russie quand il fallut prendre une décision sur l’emplacement de la frontière de la Crimée après les événements de 2014. La société avait fini par afficher dans chaque pays les frontières acceptées par les gouvernements des internautes concernés.
Or ce serait également vers ce type de solutions diplomatiques que les géographes de Maps se dirigeraient suite aux menaces russes. En effet, peu après, l’antenne russe de Mountain View déclarait œuvrer, pour la version russe de Maps, aux retours des noms soviétiques si chers au Kremlin depuis une semaine. « Nous travaillons activement pour rendre aux lieux leurs anciens noms dans la version russe de Google Maps », a ainsi affirmé un porte-parole de Google au quotidien économique russe RBK.
Du côté européen, nous verrons toujours les noms ukrainiens des villes. Google Maps continuant ainsi sa politique de représentation relative du monde. Un danger bien connu des géographes mais qui semble moins compter que les revenus de Google en Russie pour la société.
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