La loi pour une République numérique organise une forme de « testament numérique » pour les données personnelles du défunt, en permettant aux héritiers d’y avoir accès, sauf directives contraires laissées par la personne décédées.

Finalisée fin juin 2016, la loi pour une République numérique crée pour la première fois un régime spécifique pour la transmission des données des défunts, pour mettre un terme aux incertitudes qu’il peut y avoir sur le sort des données numériques après la mort. Il figure à l’article 32.II de la loi, et est codifié à l’article 40-1 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Deux grands cas de figure se posent, qui dépendent de l’existence ou non d’une forme de « testament numérique » spécifique aux données hébergées sur le Cloud :

  1. Le défunt n’a pas laissé de directives
  2. Le défunt a laissé des directives

1. Si le mort n’a pas laissé d’instructions

En l’absence de directive laissée par le défunt, les héritiers peuvent demander à chaque plateforme ou autre hébergeur qui dispose de données personnelles d’obtenir les « informations utiles à la liquidation et au partage de la succession ». L’expression étant relativement floue, le législateur précise qu’il peut s’agir notamment des « biens numériques ou des données s’apparentant à des souvenirs de famille, transmissibles aux héritiers ». Les photos et vidéos, mais aussi des e-mails personnels, pourraient ainsi faire partie des données que les héritiers peuvent recevoir et se partager. En revanche, les héritiers ne sont pas censés pouvoir accéder aux photos ou autres données qui concerneraient des tiers ou n’auraient pas d’intérêt mémoriel particulier.

Ils peuvent aussi, après la mort du défunt, obtenir :

  • La clôture de comptes Facebook, Twitter, Google, LinkedIn, Flickr, etc.
  • L’arrêt de tout traitement de données personnelles du défunt ;
  • La mise à jour d’un compte.

Il n’est pas clair si cette dernière prérogative permet d’obtenir le mot de passe pour, par exemple, ajouter soi-même des messages sur la page d’une personne décédée.

Notez que la loi ne fixe pas d’ordre de priorité entre les héritiers, mais précise qu’en cas de désaccord, c’est au tribunal de grande instance de trancher. Elle ne fixe pas de durée limite pour l’exercice de ces droits.

2. Le mort a laissé des directives

La loi pour une République numérique prévoit deux types de directives (une forme de testament) que les personnes peuvent laisser de leur vivant pour éviter que les héritiers n’aient accès à tout, ou pour affiner les cas selon les données ou les plateformes. Il y a d’abord des directives générales qui disent globalement quoi faire des données personnelles, puis les directives particulières qui s’intéressent à chaque plateforme.

Les directives générales

De son vivant, la personne peut déposer chez un tiers de confiance certifié par la Cnil des directives qui concernent l’ensemble des données à caractère personnel qu’elle aura laissé sur le Web, ou qui auront été collectées par des tiers. L’existence de ces directives sera centralisée dans un registre unique.

Lors du dépôt ou de la modification de directives, la personne peut elle-même désigner une personne qui sera chargée de les exécuter. Sinon, les héritiers pourront prendre connaissance des directives et les appliquer, en les opposant aux différentes plateformes concernées.

Les directives particulières

Toujours de son vivant, l’internaute qui sait qu’il mourra un jour peut aussi organiser la succession de ses données, service par service, grâce à des « directives particulières » qui viennent se soustraire aux directives générales, ou au régime successoral normal. Ce sont directement les « responsables de traitement », c’est-à-dire en pratique les plateformes Web et les hébergeurs, qui recevront ces directives pour les données qu’ils détiennent.

Pour éviter les abus, la loi prévient que ces prestataires ne peuvent pas intégrer dans leurs conditions générales des directives spécifiques (par ex. le droit de continuer à exploiter les données ad vitam eternam) qui sont approuvées avec tout le reste au moment de l’inscription, mais qu’il faut obtenir un « consentement spécifique ». Les clauses contraires sont réputées nulles.

La loi n’organise pas de centralisation de ces directives particulières, et il faut donc se renseigner auprès de chaque plateforme susceptible d’avoir des données.

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