Le gouvernement craint-il que tout l’édifice juridique de la riposte graduée s’écroule par l’action d’un fournisseur d’accès associatif n’ayant qu’une centaine d’abonnés ? Le ministère de la Culture a transmis le mois dernier à la CNIL un projet de décret visant à remplacer le texte sur le fichier de l’Hadopi attaqué pour vice de procédure par le fournisseur d’accès associatif French Data Network (FDN). L’occasion peut-être d’aller au delà de la chasse au seul P2P.

Le 5 mars dernier, le ministère de la Culture a publié au Journal Officiel le décret portant création du « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur internet ». C’est ce texte, fondamental, qui met en place le « fichier Hadopi », et qui décrit notamment les éléments de preuve qui doivent être transmis par les ayants droit à la Haute autorité, et les éléments d’identification des abonnés transmis par les fournisseurs d’accès. Le texte est au coeur de toute la riposte graduée, puisqu’il est notamment visé par les autorisations de collectes d’adresses IP délivrées par la CNIL aux ayants droit, ou par le décret du 26 juillet 2010 relatif à la procédure. S’il tombe, tous les actes attachés au décret du 5 mars 2010 tombent avec lui.

Or le décret a été attaqué devant le Conseil d’Etat le 8 mars dernier par l’opérateur associatif French Data Network (FDN), qui reproche au gouvernement de ne pas avoir pris avis de l’ARCEP, comme le prévoit pourtant le code des postes et télécommunications. Selon l’avocat Maxime Moulin que nous avions sollicité, le recours a de bonnes chances de succès. « Si le Conseil d’Etat considère cette formalité de substantielle, ce que je pense, l’annulation sera encourue« , avait analysé cet expert en droit administratif.

Depuis le 8 mars, le dossier traîne en longueur. Il a fallu attendre la fin du mois de juillet pour que le Conseil d’Etat informe officiellement le Secrétariat Général du Gouvernement et le Ministère de la Culture du recours exercé. Or comme l’expliquait le président de FDN Benjamin Bayart, les parties ayant deux mois pour présenter leurs réponses, celles-ci pourraient ne parvenir au Conseil d’Etat qu’après l’envoi des premiers mails prévu pour septembre.

Le tout pour être ensuite coupé dans leur élan par l’annulation du décret du 5 mars 2010, qui obligerait à refaire toute une part du processus réglementaire ? Pas sûr.

Le gouvernement a en effet sollicité le mois dernier la CNIL pour qu’elle donne son avis sur un projet de décret « modifiant le décret du 5 mars 2010 » relatif au fichier Hadopi. Nous n’avons pas pu en avoir confirmation, le chargé de communication étant en vacances, mais il est fort probable que le gouvernement a également sollicité, cette fois-ci, l’avis de l’ARCEP. Avec l’espoir qu’elle rende un avis vierge de toute demande de modification, ce qui inciterait le Conseil d’Etat à juger que la formalité a été remplie, même à retardement. Ou qu’il juge que le retard n’a pas eu d’incidence.

A moins qu’il s’agisse d’une véritable modification du texte sur le fond, qui viserait à étendre la riposte graduée aux streaming, newsgroups et serveurs d’hébergement ? Dans le décret d’origine, seul le P2P était visé. Contacté, le ministère de la Culture nous a sèchement renvoyé vers l’Hadopi qui n’est pourtant pas l’auteur des décrets d’application. La Haute Autorité, quant à elle, était injoignable. Elle ne répond plus depuis plusieurs semaines à nos différentes sollicitations.

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