C’est une anecdote que nous avons déjà raconté, mais que nous aimons rappeler de temps en temps. Il y a quelques années, en pleine polémique sur la loi DADVSI qui prévoyait déjà en son temps la riposte graduée, nous avions été invités à discuter dans les locaux d’une grande maison de disques à Paris, avec l’équipe en charge de la stratégie numérique. Des gens très sympathiques, ouverts à la discussion, mais totalement incapables de penser la lutte contre le piratage autrement qu’en terme de répression. Ils avaient marqué leur surprise d’un silence lorsque nous leur suggérions ce qui était alors pour nous une évidence : plutôt que de dépenser des fortunes à critiquer le P2P et agiter un bâton sans aucun résultat, mieux vallait communiquer positivement au côté des plateformes de musique en ligne pour faire connaître leurs avantages concurrentiels par rapport au piratage. Ils pouvaient d’ailleurs être nombreux : rapidité du téléchargement garantie, qualité d’écoute garantie, conformité du fichier avec l’œuvre recherchée garantie, conseils d’écoute personnalisés,…
Mais non, les maisons de disques se sont obstinées dans la stratégie de la répression et de la communication négative, qui s’est retournée contre elles. Il est particulièrement criant que les accords Olivennes aient suspendu l’amélioration offre légale à la mise en œuvre effective de la riposte graduée, qui n’arrivera probablement pas, au mieux, avant 2011.
Pendant ce temps, le piratage n’a pas baissé, les ventes peinent à décoller, et selon une étude de l’association de consommateurs Consumer Focus, 40 % des Britanniques sont incapables de citer la moindre plateforme de musique en ligne. Parmi les autres, 85 % ne peuvent en citer que deux, iTunes et Amazon. Ca n’est sans doute pas mieux en France, voire pire.
En guise de réponse, la British Phonographic Industry (BPI) fait dans le déni. L’homologue britannique du SNEP prétend que l’étude est biaisée par le fait qu’elle s’adresse aussi aux personnes non connectées à Internet ou qui ne s’intéressent pas à la musique, et cite ses propres études qui assurent que 96 % des internautes ont entendu parler d’Amazon ou iTunes. Elle dit aussi qu’il existe plus de 35 plateformes légales en Grande-Bretagne. « Il n’est tout simplement pas crédible de dire que les gens qui téléchargent illégalement n’ont pas entendu parlé d’iTunes, d’Amazon ou d’autres services de musique légaux« , proteste ainsi un représentant de la BPI, qui s’enfonce la tête dans le sable.
Le problème n’est pas d’avoir simplement entendu parler de la marque, mais d’avoir assimilé les avantages du service par rapport à la concurrence, fut-elle illicite. Or en la matière, il y a encore énormément de progrès à faire, et la riposte graduée n’y changera rien. Elle fait simplement fuir les internautes vers des solutions gratuites illégales plus sécurisées.
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