Des membres du collectif Anonymous prévoient de dévoiler l’identité d’un millier de personnes qui seraient liées au Ku Klux Klan, une organisation d’extrême-droite américaine.

Moins présents sur la scène médiatique depuis quelques temps, les Anonymous n’en demeurent pas moins très actifs sur Internet. Et ces derniers jours, c’est en direction du Ku Klux Klan (KKK), une organisation d’extrême-droite américaine prônant la suprématie de la « race » blanche, que le collectif d’internautes a décidé de tourner ses armes.

Dans une opération baptisée tout simplement « Operation KKK », des activistes prévoient de diffuser publiquement l’identité de près d’un millier de membres appartenant au KKK. D’après un document publié sur Pastebin le 22 octobre, ces Anonymous comptent faire ces révélations au cours du mois de novembre.

Cette action sera accompagnée, d’après le message, de plusieurs attaques informatiques visant des sites liés à l’organisation raciste afin de les « éteindre ». Le mode opératoire n’est pas donné, mais l’histoire d’Anonymous montre que les attaques par déni de service distribué (DDOS) sont très prisées par ces activistes.

https://twitter.com/Operation_KKK/status/659765794725842944

Selon l’annonce des Anonymous, c’est grâce au piratage d’un compte Twitter géré par un militant du KKK que les activistes ont réussi à obtenir la liste des membres. C’est a priori via KuKluxKlanUSA, visiblement toujours contrôlé par Anonymous depuis bientôt un an (il est indiqué que le piratage a eu lieu le 19 novembre 2014), que l’opération a pu se mettre en place.

Et d’après un tweet publié jeudi, certains de ces suprémacistes travailleraient dans la police, la politique, dans la fonction publique ou dans le gouvernement. Les Anonymous liés à l’opération précisent que les noms seront diffusés sur Twitter via le mot-clé #OpKKK et sur certains comptes, comme @Operation_KKK et @LatestAnonNews.

Il est très difficile de déterminer qui se cache derrière l’opération KKK. Il faut en effet rappeler que n’importe qui peut prétendre être Anonymous et agir au nom de la mouvance : il suffit simplement d’être anonyme et de respecter les codes du collectif (masque de Guy Fawkes, le slogan « we are legion », etc). Cette approche est à la fois une force et une faiblesse pour le moment.

[floating-quote float= »right »]nous vous attaquons à cause de ce que vous faites subir à nos frères et sœurs[/quote]

Il semble en tout cas, au regard de la nature de la cible, une organisation raciste, et de la manière dont l’action est décrite (« nous vous attaquons à cause de ce que vous faites subir à nos frères et sœurs »), que ces Anonymous sont assez proches des victimes habituelles du Ku Klux Klan.

Un autre message, toujours posté sur Pastebin, confirme cette piste.

Il fait en effet référence à plusieurs reprises à Ferguson, une ville du comté de Saint Louis dans l’État du Missouri. Or c’est dans celle-ci que s’est déroulée l’affaire Michael Brown il y a un an — du nom de ce jeune Afro-américain de 18 ans abattu par un policier blanc alors qu’il ne représentait pas une menace immédiate —, déclenchant d’importantes manifestations et émeutes.

L’opération menée contre le KKK repose en tout cas la question de savoir si la fin justifie les moyens. De nombreuses actions menées par des Anonymous se sont achevées avec des révélations de données personnelles (une pratique baptisée « doxxing »), avec un risque évident de dérive. Quid, en effet, des atteintes à la personnalité si des dénonciations calomnieuses ou infondées sont proférées ?

Sur le papier, les combats menés par certains Anonymous sont difficilement critiquables. Par exemple, personne a priori ne tient à prendre la défense de personnes consommant ou produisant de la pédopornographie. Mais faut-il pour cela exposer leurs données personnelles, au risque, vu l’extrême émotion que peut produire un tel sujet, de provoquer des représailles par vengeance ? Est-ce au citoyen de se substituer à la justice ?

Le choix des armes d’Anonymous est-il le bon ?

Comme nous l’écrivions alors, c’est à la police de mener de telles opérations de démasquage, pas à la population civile. Une société qui laisse se former des milices privées pour faire respecter l’ordre est une société anarchique qui ne peut aboutir qu’à un accroissement de la violence.

En outre, force est de constater, dans le cas de cette opération, que la pédopornographie n’a pas disparu. Il est même envisageable qu’elle ait pu contrarier une enquête de police qui était en cours au même moment dont le but était de procéder à un vaste coup de filet contre les pédophiles. Cette opération a peut-être aussi convaincu les autres pédophiles de faire encore plus preuve de prudence à l’avenir, pour laisser un minimum de traces.

Avec l’opération contre le KKK, ce sont au final les mêmes problématiques émergent. Pour autant, les questions soulevées par les méthodes d’Anonymous ne signifient pas qu’il ne faut rien faire face à ceux qui prônent le racisme : c’est évidemment une idéologie qu’il faut combattre avec force. Mais le choix des armes est primordial.


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