La justice américaine a rejeté la plainte de Wikimédia contre la NSA. Mais heurtée par les agissements de l’agence de renseignement, la fondation compte persévérer dans son combat judiciaire en faisant appel.

La NSA peut souffler. L’action en justice engagée ce printemps par la fondation Wikimédia contre les activités de l’agence de renseignement américaine s’est heurtée à l’avis du juge T.S. Ellis III, qui s’est montré sévère avec les arguments avancés par les plaignants. En effet, ils ont été décrits comme « peu convaincants », « incomplets » et « truffés de supposition », motivant, aux yeux du magistrat, un rejet de la plainte.

Dans son verdict de 30 pages, dont Russia Today se fait l’écho, le juge T.S. Ellis III admet que des faits pertinents ont effectivement été avancés par la fondation Wikimédia mais la réflexion qui en découle ne permet pas de déduire d’autres agissements de la NSA.

« Même si les plaignants ont avancé des éléments qui établissent de manière plausible le fait que la NSA utilise le programme de surveillance UPSTREAM sur un certain nombre de goulots d’étranglement du réseau, ils n’ont pas avancé de faits qui établissent de manière plausible que la NSA utilise UPSTREAM pour copier toutes ou quasiment toutes les communications passant à travers ces goulots d’étranglement. En la matière, les plaignants ne peuvent que spéculer ».

Le programme UPSTREAM, révélé par Snowden

Décrit dans les documents secrets récupérés par Snowden, UPSTREAM consiste à intercepter les données circulant en se branchant aux infrastructures du réseau (par exemple les câbles en fibre optique qui relient les continents les uns aux autres). C’est l’une des deux grandes sources d’information de la NSA pour Internet, avec le programme PRISM qui se concentre sur les serveurs des entreprises.

T.S. Ellis III s’est également attaché à remettre en perspective les données avancées par Wikimédia, balayant un peu vite le fait que la fondation gère effectivement des sites dont l’audience n’a rien à envier à des géants comme Google ou Facebook.

« Les plaignants insistent pour dire que les mille milliards de communications annuelles sur Wikipédia sont un volume important. Mais ils ne fournissent pas de contexte pour évaluer la signification de ce nombre. Un trillion est clairement un grand nombre, mais la taille est toujours relative. Par exemple, un trillion de dollars représente une énorme somme d’argent, alors qu’un trillion de grains de sable ne constitue qu’un petit bout de plage ».

UN VERDICT CRITIQUÉ

Malgré cette défaite en première instance, la fondation Wikimédia ne compte pas en rester là. Elle prévoit de faire appel et conserve le soutien de huit autres associations, dont Human Rights Watch et Amnesty International USA, qui sont également engagées dans la procédure.

De son côté, l’union américaine pour les libertés civiles (ACLU) est revenue sur le jugement rendu par T.S. Ellis III pour souligner ce qui, de son point de vue, fait défaut dans l’analyse du magistrat. Dans un article publié sur le site officiel de l’ACLU, Ashley Gorski, qui officie dans l’équipe juridique de l’association américaine, pointe en particulier quatre faiblesses dans le raisonnement du tribunal.

  • Le tribunal n’a pas saisi le fait que la surveillance UPSTREAM est fondamentalement différente et beaucoup plus intrusive que celle qui était considérée par la Cour Suprême dans Amnesty v. Clapper (une autre affaire, ndlr) ;
  • Le tribunal ignore comment les communications Internet sont structurées — et pourquoi cela oblige le gouvernement à intercepter au moins certaines communications parmi les mille milliards gérées par nos clients (Wikimédia, ndlr) ;
  • Compte tenu des documents disponibles publiquement à propos de la surveillance UPSTREAM, les affirmations de nos clients ne sont ni « spéculatives » ni « hypothétiques » ;
  • L’avis du tribunal isolerait la surveillance gouvernementale de toute contestation juridique, sauf dans les cas où le gouvernement a déjà admis avoir recouru à un programme en particulier.

« Cette décision ferme les yeux sur le fait que le gouvernement procède à des écoutes sur le réseau Internet pour espionner des millions d’Américains […]. Le rejet de cette plainte au motif qu’elle est spéculative est en contradiction avec la quantité incroyable de données publiques montrant l’existence d’une surveillance massive sans aucun mandat » a déclaré de son côté Patrick Toomey, avocat de l’ACLU.

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