Brigitte Andersen et Marion Frenz ont étudié les comportements de 2.000 canadiens concernant leur consommation de musique. Les résultats de l’enquête, que les deux chercheurs anglaises considèrent comme la première étude empirique à utiliser des données microéconomiques, remettent sérieusement en cause toutes celles qui furent produites dans le but de justifier des campagnes de lutte contre le peer-to-peer.

« Nous n’avons pas trouvé de preuve concrète pour dégager un effet positif ou négatif du partage de fichiers sur l’achat de CDs au Canada. » Ce qu’il faut comprendre, c’est que les pirates n’achètent pas forcément moins de CDs que le reste de la population, mais pas forcément plus non plus. En revanche, ce qui est intéressant, c’est qu’au sein de cette population de P2Pistes, les chercheurs ont pu dégager un lien entre le nombre de fichiers téléchargés et l’achat de CD : « Télécharger l’équivalent approximatif d’un CD (12 morceaux) augmente l’achat d’environ un demi album (O,44 CDs). » Voilà qui est dit, plus les P2Pistes téléchargent de musique, plus ils achètent des CDs.

L’étude montre aussi que la moitié des morceaux étaient téléchargés sur le peer-to-peer dans le but de se faire une idée de l’album avant de l’acheter, et un quart parce qu’ils n’étaient pas disponibles dans les magasins de musique. Les chercheurs ont trouvé que pour une augmentation d’1% dans le téléchargement de musique qui n’est pas disponible en magasin, on constatait une augmentation de 4% dans l’achat de CDs. Cela veut dire que les consommateurs qui ont vraiment envie d’acheter des CDs que l’industrie ne produit pas se servent du peer-to-peer comme palliatif à leur demande.

En revanche, aucun lien n’a été établi entre le téléchargement P2P et l’achat de musique numérique, et les personnes qui achètent sur des plateformes légales comme iTunes ne sont pas plus enclines que les autres à acheter des CDs. Naturellement, celles qui possèdent des lecteurs MP3 ont tendance à moins acheter de CDs que les autres ; et celles qui ont l’habitude d’acheter une grand nombre de DVDs, jeux vidéo, tickets de concert et de cinéma achètent un plus grand nombre de CDs. Même si le prix des CDs a un léger impact sur leur achat, les revenus financiers des ménages n’ont statistiquement aucun effet sur leur consommation de CDs ou le téléchargement légal.

Ce qui est intéressant de noter, c’est que l’étude a été commanditée par Industry Canada, un ministère du gouvernement fédéral. Même si les chercheurs précisent bien que leurs conclusions ne sont pas forcément partagées par le gouvernement, celles-ci pourraient avoir un impact sur sa politique en matière de propriété intellectuelle, largement favorable aux lobbyistes industriels. Et même si il n’est pas certain qu’elle lui fasse contrepoids, elle pourra tout au moins relativiser les propos de la CRIA, qui a eu l’habitude de produire de nombreuses études destinées à appuyer ce que l’industrie réclame.


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