Nouveau rebondissement dans la guerre technologique entre les États-Unis et la Chine. Le gouvernement américain prévoit finalement d’autoriser l’exportation vers la Chine des puces d’IA Nvidia H200, a annoncé Donald Trump le 8 décembre 2025. En échange, Nvidia devra reverser 25 % du chiffre d’affaires issu des ventes à l’État américain.
Cette décision surprend : elle tombe seulement quelques jours après le dépôt au Sénat d’un projet de loi bipartisan, le Secure and Feasible Exports Chips Act, qui vise au contraire à bloquer pendant 30 mois les ventes de puces les plus avancées de Nvidia — H200 et génération Blackwell — au marché chinois. Le président a par ailleurs précisé qu’AMD et Intel auraient, eux aussi, la possibilité de s’adresser au marché chinois. L’action Nvidia a progressé de 1,73 % le 8 décembre, dans la foulée de l’annonce.



Est-ce la fin du bras de fer entre les États-Unis et la Chine ?
Donald Trump devrait demander au département du Commerce d’autoriser les exportations de H200 vers la Chine, avec le soutien du secrétaire au Commerce, Howard Lutnick. Nvidia pourra ainsi proposer ses processeurs graphiques à des « clients autorisés » en Chine. L’objectif serait de permettre la vente de puces d’IA suffisamment performantes pour répondre à la demande chinoise, sans pour autant leur donner accès aux modèles les plus avancés de l’industrie américaine. Un changement de cap notable, alors que Washington avait jusqu’ici strictement limité l’exportation de GPU haut de gamme (A100, H100…) vers la Chine, sauf licences exceptionnelles.
Entre fin 2023 et début 2024, les États-Unis avaient déjà tenté une approche « intermédiaire » avec la H20 : une version volontairement bridée des GPU d’IA de Nvidia, censée permettre à l’entreprise de maintenir son activité en Chine tout en évitant de transférer des capacités de pointe. En contrepartie, Nvidia devait reverser à l’administration 15 % de ces recettes. Les grands groupes chinois — Alibaba, Tencent, ByteDance, entre autres — avaient alors passé des commandes massives à partir du printemps/été 2025. Mais l’engouement n’a pas duré. À l’automne 2025, les autorités chinoises ont demandé à plusieurs acteurs majeurs, notamment publics ou soutenus par l’État, de cesser leurs achats de H20, invoquant des motifs de sécurité nationale et d’indépendance technologique.

Pourquoi autoriser l’export de H200 change tout
Le premier point notable autour de la H200 est la hausse de la contrepartie exigée par Washington : alors que Nvidia devait reverser 15 % de ses recettes sur les ventes de H20 à l’administration américaine, ce taux grimperait désormais à 25 % pour la H200. Une manière, pour les États-Unis, de conserver un contrôle économique et stratégique sur ces exportations. Pour la Chine, cette nouvelle fenêtre d’accès aux puces Nvidia arrive dans un contexte délicat. Depuis deux ans, Beijing a progressivement délaissé les solutions américaines pour accélérer l’adoption de technologies locales. Huawei a par exemple fortement poussé sa gamme Ascend — notamment les Ascend 910 et 910B — aujourd’hui utilisée dans des clusters nationaux d’IA et dans un nombre croissant de data centers publics et projets d’État. Les grandes entreprises et laboratoires chinois ont également investi dans diverses techniques d’optimisation (compression de modèles, entraînement plus frugal, partage de GPU…) afin de compenser l’écart de performances brutes avec les puces Nvidia.

Autrement dit, la Chine a mis l’accent sur une infrastructure IA plus autonome, quitte à accepter des performances moindres à court terme pour gagner en souveraineté technologique. Cela n’a cependant pas empêché certaines entreprises chinoises de chercher des moyens de contourner les restrictions américaines, en tentant d’acquérir des GPU Nvidia d’occasion ou en louant des capacités d’entraînement à l’étranger via des services cloud non chinois. Ainsi, autoriser les H200 à repartir vers la Chine pourrait bien rebattre les cartes pour les deux camps. Côté américain, cela redonne à Nvidia l’accès au plus gros marché de l’IA au monde et prolonge, en filigrane, l’influence technologique des États-Unis. Washington continue certes de verrouiller l’ultra-haut de gamme — la génération Blackwell, ou certaines versions HBM trop sensibles — mais ouvre une porte contrôlée avec un « N-1 » (le H200) encore largement assez puissant pour séduire Pékin, tout en maintenant une avance stratégique confortable.
Pour la Chine, la proposition ressemble à un booster de puissance de calcul livré clé en main. Le H200 offrirait plusieurs fois les performances réelles d’un H20 : de quoi entraîner plus de modèles, plus gros, plus vite, avec une meilleure efficacité énergétique. Les géants du cloud — Alibaba, Tencent, ByteDance, Baidu — pourraient à nouveau envisager des clusters de niveau mondial construits sur du hardware Nvidia moderne, plutôt que sur des alternatives locales moins matures. Pour Beijing, l’arbitrage est donc clair : accepter un bond immédiat de capacité en IA, au risque de rester dépendant d’un fournisseur américain sous contrôle politique, ou préserver la pression maximale pour accélérer les champions locaux. Une équation que la Chine ne pourra pas repousser éternellement.
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