L'effet Streisand peut aussi piéger les agences spécialisées dans le développement web. C'est ce que révèle l'affaire Linkeo. La société a cherché à faire retirer un commentaire négatif suite à une annonce publiée sur LinuxFr. Mais en menaçant ce dernier par une mise en demeure, Linkeo a écorné son image à un niveau autrement plus important qu'une banale réaction, aussi désobligeante soit-elle.

Qui a dit qu'une agence web ne pouvait pas se prendre les pieds dans le tapis du net ? Certainement pas Linkeo. Depuis vendredi, la société française spécialisée dans la conception de sites web et le référencement en ligne subit en effet un violent retour de bâton. La raison ? Les lecteurs du site LinuxFr se sont insurgés contre les pressions exercées par Linkeo pour obtenir la censure d'un commentaire désobligeant.

Une annonce anodine

Tout commence le 20 mars. Linkeo souhaite agrandir son équipe et publie une offre d'emploi pour un CDI à Paris. La société recherche un administrateur système et réseau open source. Naturellement, le profil du poste l'amène à privilégier les sites dédiés aux logiciels libres. L'annonce est donc postée sur LinuxFr, avec plusieurs détails (nature de la mission, profil recherché, rémunération prévue…).

Dès le lendemain, une première réponse apparaît. Mais celle-ci n'était certainement pas celle espérée par Linkeo. L'intervenant pointe l'amateurisme supposé de Linkeo en listant plusieurs éléments lui posant problème : codage des caractères, erreurs multiples relevées dans le validateur W3C, absence de séparation entre le JavaScript et le HTML, structure de la page incohérente…

La charge est pour le moins sévère. L'internaute s'interroge alors. Quelles peuvent être les "raisons objectives" de s'intéresser aux activités de Linkeo, dans la mesure où la vitrine de l'agence web est qualifiée "d'atroce" ? Il poursuit, estimant que "ça va être sympa d'administrer les sites codés par les stagiaires du coin", avant de moquer le professionnalisme de l'agence.

Mise en demeure

L'annonce, depuis supprimée de LinuxFr mais visible via Archive, ne recevra pas d'autres commentaires. L'affaire aurait pu en rester là, mais une lettre de mise en demeure va lui donner une visibilité exceptionnelle et produire un effet Streisand qui, faut-il le rappeler, se manifeste par l'augmentation considérable de la diffusion d'informations par le simple fait d'avoir été l'objet d'une tentative de retrait ou de censure.

Dans sa missive, l'avocat de Linkeo pointe la nuisance que représente le commentaire de l'internaute à l'image de la société, à son sérieux et à son professionnalisme. "Les propos diffusés sur le site que vous éditez discréditent la qualité des prestations [de Linkeo, ndlr] et constituent de fait un acte de dénigrement engageant la responsabilité [de LinuxFr, ndlr]", expose-t-il.

Que demande l'avocat ? Puisque l'auteur du message n'a pas pu être identifié, c'est vers LinuxFr qu'il faut se tourner. "En votre qualité d'éditeur d'un service de communication au public en ligne vous êtes responsable de la publication des contenus sur votre site Internet", explique-t-il au propriétaire du site, avant de lui signifier qu'il a 2 jours pour supprimer le message litigieux et de dédommager son client à hauteur de 1500 euros.

La réaction de LinuxFr…

À la réception du courrier, s'est posée pour l'association la question de la réaction à adopter. Obtempérer ? Médiatiser l'affaire ? Négocier en coulisses ? C'est finalement un mélange d'un peu tout ça. "Nous avons opté pour la suppression des passages incriminés afin d'éviter d'inutiles frais d'avocat et pertes de temps supplémentaires, sur un sujet annexe à l'activité principale du site".

Cependant, pas question de payer. L'offre d'emploi a été supprimée du site et le commentaire expurgé de ses principales critiques. LinuxFr en a profité pour rappeler qu'une équipe de modération est active et que des mentions légales existent bel et bien, contrairement à ce que laisse entendre la lettre de mise en demeure. Celles-ci figurent en bas du site.

L'association a donc révélé l'affaire à ses lecteurs et l'information s'est rapidement propagée sur la toile. Sur les forums ou les réseaux sociaux, les réactions ont été multiples et les commentaires parfois tranchés. L'effet Streisand a fait son office, puisque le sujet a été évoqué chez Framablog, Korben tandis que la plateforme WOT affiche des notes très médiocres. Sans parler d'Opquast.

…et de Linkeo

De son côté, Linkeo ne devait certainement pas s'attendre à un tel emballement. Certes, la société a voulu préserver ses intérêts, mais fallait-il sortir l'artillerie lourde d'entrée de jeu ? Hélas, le mal est fait : alors que le commentaire initial aurait pu tomber dans l'oubli et n'être qu'une réaction désobligeante parmi d'autres, celles-ci étant pléthoriques sur le web, Linkeo se retrouve avec un buzz très négatif.

Toujours est-il que Linkeo s'emploie à calmer le jeu. Sur Facebook, la société a publié un commentaire dans lequel elle tient à s'excuser de la polémique engendrée par la mise en demeure faite à LinuxFr, soulignant néanmoins que les propos initiaux ont été "extrêmement blessants" pour l'ensemble des salariés. Une réaction bienvenue, mais qui ne semble pas convaincre les membres du réseau social…

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