L’auteur d’une bande dessinée publiée sur Internet a dû supprimer l’une de ses histoires, après que les services de l’OCLCTIC l’ont menacé de poursuites judiciaires sur un fondement fortement contestable. C’est ce service qui aura en charge d’établir la liste des sites auxquels les FAI devront bloquer l’accès suite à l’adoption de la loi LOPPSI.

Voilà qui illustre malheureusement très bien le risque que nous dénoncions dès l’annonce du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi), et que nous avions notamment décrit dans un article – certes provocateur – sur « Frédéric Mitterrand et la bite à Rachid« . Nous craignions en effet qu’au motif de la lutte contre la pédopornographie, des œuvres artistiques de plus ou moins bon goût se retrouvent censurées et bloquées à la demande de l’Etat, sans contrôle judiciaire de la véritable nature illicite du contenu censuré.

Un auteur de bandes dessinées, le Pirate Sourcil, a eu la désagréable surprise d’être contacté par des gendarmes de la plateforme PHAROS gérée par l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC). Celui-là même qui devrait communiquer en janvier aux FAI une liste de plus de 1000 sites à bloquer, sans que cette liste n’ait été contrôlée par un juge ou fasse l’objet d’une publication qui permette aux éditeurs concernés de contester le blocage devant l’autorité judiciaire.

Selon l’auteur, les gendarmes lui ont demandé de supprimer l’une de ses BD « sous la menace d’une ouverture de procédure judiciaire« .

« Après une certaine indignation, je m’exécute. C’est un peu ridicule sachant que cette histoire non censurée traine sur plusieurs autres sites Internet« , explique-t-il.

L’histoire en question, dont on peut voir ici les premières planches, n’est effectivement pas du meilleur goût. Elle se termine par un maître d’école qui referme sa braguette après avoir, visiblement, abusé d’une jeune fille qui proposait à ses camarades de classe des services sexuels contre quelques euros. Mais quand bien même l’histoire serait de mauvais goût, pas drôle ou totalement déplacée, elle n’est – selon nous – en rien illicite. Elle n’incite pas au viol d’enfants (il faut avoir l’esprit tordu pour imaginer l’inverse), et ne montre aucune nudité. Elle ne tombe donc pas sous le coup de l’article 227-23 du code pénal.

Et pourtant, faute de réaction de l’auteur, l’OCLCTIC aurait probablement glissé l’adresse de la BD dans la liste des pages auxquelles les FAI devront bloquer l’accès. Ce qui sera le cas aussi très certainement des lolicons, même s’ils peuvent éviter les passages à l’acte des pédophiles sur de « vrais enfants ».

S’il avait résisté, l’auteur aurait peut-être risqué une procédure judiciaire. Et certainement gagné. Avec le blocage sans décision judiciaire, il ne pourra rien faire. Il ne sera pas informé que son site a été bloqué.


Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.