Publiée le 6 juin 2011 dans le Journal de Harvard, une étude d’un juriste israélien déconseille fortement aux autres pays d’imiter la riposte graduée à la française. S’il reconnaît des avantages à l’Hadopi, il estime que la voie de la licence globale serait préférable.

Le Harvard Journal of Sports & Entertainment Law a publié il y a quelques jours un article de 43 pages (.pdf) signé par Eldar Haber, de l’Université de Tel Aviv, intitulé : « La Révolution Française 2.0 : le droit d’auteur et la politique de réponse graduée« . L’étude analyse en profondeur les forces et faiblesses du système mis en place avec l’Hadopi, et conclut que les autres pays devraient s’abstenir d’imiter la solution choisie en France.

« La réponse graduée a beaucoup d’avantages. Premièrement, elle pourrait vraiment résoudre un vrai problème pour les ayants droit qui luttent pour trouver une solution au partage de fichiers illégal sur Internet. Deuxièmemement, la réponse graduée pourrait s’avérer être la solution la moins chère au piratage en ligne, ce qui en ferait l’outil disponible le plus efficace économiquement. Troisièmement, il pourrait aider les FAI à établir des frontières plus claires là où elles n’existent pas, et les aider à allouer plus de fonds pour étendre et améliorer les services internet et les infrastructures. Egalement, la réponse graduée pourrait bénéficier aux internautes, qui seraient mieux alertés avant qu’une sanction réelle ne soit décidée. Enfin, elle pourrait résoudre la congestion des réseaux, en fournissant des connexions plus rapides et meilleures pour tous les utilisateurs« , écrit l’auteur de l’étude dans la colonne des plus.

Mais il est sévère dans la colonne des moins. Eldar Haber estime tout d’abord que la lutte contre les réseaux P2P n’est pas nécessairement bénéfique pour tous les artistes. « Même si généralement les ayants droit sont contre le partage de fichiers, certains d’entre eux pointent en fait les avantages qu’ils tirent en utilisant ces méthodes (…) Grâce au partage de fichiers, des artistes peuvent gagner davantage d’exposition, élargir leur public, et par ce augmenter les ventes de leurs billets de concerts et autres produits dérivés« , écrit-il. Or à ceux qui prétendent que les artistes qui le souhaitent sont toujours libres d’utiliser les réseaux P2P pour diffuser leurs œuvres, le chercheur répond que « les utilisateurs vont avoir peur d’utiliser les réseaux de partage de fichiers, quel que soit le statut juridique du contenu partagé« .

C’est d’ailleurs révélateur dans le cahier des charges proposé par l’Hadopi pour les moyens de sécurisation. Il propose de mettre certains protocoles en liste noire, pour avertir l’utilisateur des dangers encourus s’il utilise BitTorrent ou eMule.

Le juriste s’inquiète aussi que les internautes soient privés du droit à un procès équitable, estimant qu’il n’est pas suffisant de pouvoir être entendu par l’Hadopi ou par le juge avant la sanction finale. Il explique qu’il faudrait pouvoir contester les premiers avertissements, ce qui n’est effectivement pas le cas. « L’utilisateur est présumé coupable jusqu’à preuve du contraire« , remarque également Eldar Haber, qui s’inquiète par ailleurs des questions de respect de la vie privée des internautes, et de la liberté d’expression et de communication. Pour lui, la réponse graduée ne pourrait être légitime que si chaque avertissement était précédé d’un examen au cas par cas pour vérifier qu’il y a bien eu contrefaçon d’une œuvre (au regard y compris des exceptions au droit d’auteur dont peuvent se prévaloir les internautes), et que la suspension de l’accès à internet ne valait que pour les réseaux P2P et non l’accès aux e-mails ou autres informations sur le web.

« Si le législateur souhaite résoudre le problème du partage de fichiers d’une manière plus proportionnée, il devrait envisager sérieusement (…) de nouvelles approches comme l’implémentation d’un système de taxe pour usage non commercial« , conclut l’auteur.

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