Six mois après son exclusion du gouvernement, l’ancien ministre du Budget Eric Woerth continue de rendre Internet responsable du déchaînement médiatique à son encontre. Une tactique éprouvée qui ne doit rien au hasard.

L’ancien ministre Eric Woerth a toujours du mal à digérer le traitement médiatique qui lui fut réservé lors de l’affaire Bettencourt. Et il en veut toujours autant à Internet, qu’il semble croire être la mère de tous ses maux. Interviewé mardi par Le Figaro à l’occasion de la publication de son livre « Dans la tourmente », l’homme affirme que « nous évoluons dans un monde où l’on hurle avec les loups » et précise que « avec Internet, la dérive médiatique s’est accentuée« . Il accuse le réseau d’avoir permis de le « livrer aux chiens« . Une obsession pour l’ancien trésorier de l’UMP.

L’an dernier, lorsqu’il était encore ministre du Budget, Eric Woerth avait déjà établi sa stratégie de défense en attaquant durement Mediapart, auteur des révélations de l’affaire Bettencourt devenue « affaire Woerth ». Evoquant tour à tour les « tribunaux qui se créent sur Internet« , et les « informations relayées par un site Internet dans un but commercial, et peut-être même politique« , il avait entraîné avec lui une partie de la droite pour faire le procès de l’information sur le web, opposée à la vraie et digne presse traditionnelle.

« Comment vous pouvez jeter l’anathème sur les uns et sur les autres, sans preuve, en additionnant des tweets, les blogs, des gens qui règlent des comptes« , avait par exemple demandé François Baroin à l’Assemblée Nationale. La députée Muriel Marland-Militello (UMP) avait même été jusqu’à suggérer que le Parlement limite la liberté de la presse, expliquant plus tard que « l’émergence des nouveaux médias » était responsable de l’apparition d’une presse « sans foi ni loi, qui recherche le scoop à tout prix, [et] nivelle par le bas la qualité des contenus« .

Dénigrer Internet lorsque l’on est mis en difficulté est devenu un réflexe au gouvernement. Brice Hortefeux l’avait fait dans l’affaire des auvergnats pour laquelle il été condamné. Jean-François Copé, l’Elysée et le gouvernement avaient chacun leur tour critiqué Internet, alors que la vidéo de l’ancien ministre de l’intérieur diffusée sur le site du Parisien émanait de Public Sénat. De même dans l’affaire du couple Alliot-Marie / Ollier et de ses relations avec l’ancien régime tunisien, Patrick Ollier avait critiqué « les .fr [qui] vont chercher leurs informations dans les caniveaux« , alors que l’essentiel des révélations émanaient du Canard Enchaîné.

Cette stratégie de communication n’est pas innocente. Internet reste le support médiatique dans lequel les Français ont le moins confiance. Attaquer l’information parce qu’elle provient d’Internet, ou faire croire qu’elle provient d’Internet pour l’attaquer, c’est porter atteinte au crédit de cette information. Mais attaquer le contenant pour minimiser la portée du contenu ne fonctionnera plus très longtemps. S’il est encore le plus faible, Internet est aussi le support sur lequel l’indice de confiance progresse le plus vite ces derniers années, selon le baromètre TNS Sofrès :


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