69 % des Français seraient prêts à arrêter le piratage dès le premier avertissement, selon un sondage paru fin juillet. Un résultat élevé justifiant la poursuite de la riposte graduée, selon les ayants droit. Toutefois, l’échantillon choisi pour répondre aux questions de l’IFOP n’est pas le plus adapté. Quel intérêt de demander à quelqu’un qui n’a pas Internet s’il pense arrêter de pirater sur BitTorrent ou Emule ?

Le 29 juillet dernier, nous nous faisions l’écho du sondage réalisé par l’IFOP pour le compte du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP). Mené début juillet, il a été finalement publié à la fin du mois, à l’heure où la Haute Autorité a commencé à recevoir ses premières demandes d’avertissement. L’objet du sondage était donc évident : comment les internautes français se positionnent-ils face au téléchargement illicite et comment réagissent-ils face aux sanctions déployées contre le piratage ?

Sans grande surprise, les conclusions du sondage ont offert un plébiscite involontaire au principe de la riposte graduée. Selon l’étude commandée par l’association interprofessionnelle chargée de défendre les intérêts de l’industrie du disque, près de 69 % des sondés ont indiqué qu’ils renonceraient à la pratique du téléchargement illicite s’ils se faisaient prendre par la Haute Autorité.

Mieux encore. 77 % des répondants ont même assuré qu’ils seraient prêts à fliquer l’activité Internet de leurs proches si jamais leur propre connexion était dans la balance. Des résultats qui ont évidemment ravi le SNEP mais qui ont laissé perplexe de nombreux observateurs. Au-delà de la pertinence des questions, le panel pour y répondre était-il crédible ?

Loin sans faut. Sur ReadWriteWeb, Guillaume Main s’est intéressé à l’échantillon choisi par l’IFOP pour répondre à des questions qui, malgré tout, ne concernent pas tous les Français. C’est donc 1 058 personnes d’au moins 15 ans qui ont répondu par téléphone aux questions de l’IFOP. Bien entendu, l’échantillon national représentatif sur des critères de référence a été respecté.

Or, l’utilisation d’un échantillon national représentatif sur des problématiques ne concernant qu’une minorité de Français est vraisemblablement une erreur. Internet a beau être de plus en plus présent dans le quotidien des Français, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre continue de vivre très bien sans. Et qui plus est, bon nombre des abonnés à Internet ne se posent même pas la question de télécharger des contenus.

C’est d’ailleurs bien tout le biais de la formulation des questions. Lorsque 69 % des Français se déclarent prêts à arrêter le téléchargement illégal, une partie d’entre eux n’a pas Internet tandis qu’une autre n’a vraisemblablement jamais téléchargé. D’ailleurs, la question est obligée de se formuler ainsi : « dans l’hypothèse où vous auriez l’habitude de télécharger illégalement, risquer la suspension de votre abonnement ou une amende de 1 500 euros vous ferait-il renoncer à cette pratique ?« .

À ce compte-là, on peut émettre beaucoup d’hypothèses. Comme le souligne Guillaume Main, non sans ironie, « autant demancder à Madame Michu, sans voicture et sans percmis de conduire, ce qu’elle pense des retraits de percmis pour excès de vitesse« . Le rapport au renoncement n’est donc pas le même entre un téléchargeur régulier et une personne qui n’a pas de connexion à Internet.

D’ailleurs, sur 1 058 personnes interrogées par l’IFOP, seules 10 % d’entre elles seraient véritablement concernées par les questions du sondage. Les 90 % faussent donc en partie les conclusions de l’enquête, enquête sur laquelle va évidemment s’appuyer le SNEP et la Haute Autorité pour soutenir les actions anti-piratage.

Au regard de la méthodologie du sondage, le SNEP peut effectivement applaudir. La dissuasion de la Haute Autorité est telle qu’elle empêche des internautes français n’ayant pas Internet ou ne téléchargeant jamais de pirater des contenus. Très fort.


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