Une nouvelle étude menée par deux chercheurs américains souligne le bénéfice global du partage d’oeuvres pour la société. S’ils ne contestent pas que le « piratage » a un impact sur l’économie de l’industrie culturelle, les deux académiciens mettent en balance les avantages procurés par le peer-to-peer. Et d’affirmer que la création artistique saura survivre à n’importe quel évènement.

Alors que l’administration Obama est déterminée à lutter de toutes ses forces contre le piratage, phénomène qu’elle considère comme du « vol » et une « menace pour la sécurité nationale« , une nouvelle étude menée par deux chercheurs américains vient nuancer les affirmations définitives du gouvernement américain et de l’industrie du divertissement en matière de téléchargement.

Présenté la semaine dernière à l’occasion d’une conférence de l’industrie de la musique à Vienne, le rapport souligne à nouveau (.pdf) le caractère positif du partage de contenus culturels. Selon les deux académiciens, Felix Oberholzer-Gee, de l’université d’Harvard, et Koleman Strumpf, de l’université du Kansas, le peer-to-peer a favorisé la création.

« La publication de nouveaux livres a augmenté de 66 % entre 2002 et 2007. Depuis 2000, les sorties annuelles de nouveaux albums de musique ont plus que doublé, et la production mondiale de films a bondi de plus de 30 % depuis 2003 » ont noté les deux experts, cité par Techdirt. En clair, la créativité a été dopée grâce au partage des contenus culturels.

Pour autant, ils ne contestent pas un quelconque impact financier sur l’industrie du divertissement. Mais son importance doit être nuancé par les bénéfices directs et indirects apportés par le peer-to-peer. Et dans l’absolu, même à imaginer la banqueroute complète de l’industrie de la musique, cela n’empêchera pas les musiciens de prendre du plaisir à jouer et à enregistrer de nouvelles chansons.

Malgré les cries d’orfraie des ayants droit, le numérique et Internet ont été des tremplins inespérés pour les jeunes artistes. Ils ont pu se constituer un public, même restreint, sans l’aide des grandes maisons de disques. Si le risque peut sembler plus grand, cela offre en parallèle une plus grande latitude aux artistes de faire ce qu’ils veulent.

Pour les chercheurs, la baisse des ventes de musique peut aussi s’expliquer à travers l’explosion de nouvelles activités culturelles. Dans la mesure où l’industrie du divertissement ne se limite pas aux seules majors, il faut prendre en compte la multiplication des moyens de divertissement, comme le jeu vidéo et le cinéma.

Ces deux dernières activités sont d’ailleurs en progression rapide depuis le début du millénaire. Or, le budget d’une famille n’est pas extensible. Dès lors, il n’est pas rare ou anormal de faire quelques arbitrages afin de mieux répartir l’argent accordé au poste des loisirs. Mais encore faut-il que l’industrie du disque prenne en compte la concurrence des autres modes de divertissement.

Deux autres points sont soulevés par cette étude. D’une part, la progression rapide des technologies a conduit l’industrie du disque à lancer régulièrement de nouveaux formats : vinyles, albums K7, CD et maintenant fichiers numérisés, pour ne citer que les grandes étapes technologiques. Avec une rétrocompatibilité quasi-inexistante, beaucoup se sont tournés vers les réseaux peer-to-peer, lassés de payer plusieurs fois pour un même titre.

Les chercheurs se sont aussi intéressés sur l’utilisation réelle des fichiers téléchargés. Sont-ils tous consommés ? Selon leurs conclusions, c’est loin d’être le cas. Ils ont analysé les statistiques de lecture de 5 600 iPod. Au final, près des deux tiers des fichiers musicaux présents sur un iPod ne sont pas écoutés par l’utilisateur. Cela représente un peu plus de 2 300 titres sur 3 500 (le nombre moyen de fichiers musicaux d’un iPod).

En d’autres termes, toutes les musiques téléchargées ne sont pas nécessairement consommées par l’internaute. Le coût d’une copie étant pratiquement nul, on peut imaginer que les internautes peuvent être amenés à télécharger un « surplus » qu’ils n’auront pas le temps de consommer.

Dans ces conditions, même à supposer – comme l’affirment les ayants droit – qu’un fichier téléchargé entraine systématiquement un perte commerciale, il faut dans ce cas de figure ne pas comptabiliser le « surplus piraté » qui n’est pas consommé. L’impact du piratage est alors relativisé par le réel usage du consommateur.

« Notre approche… reflète l’intention initiale de la protection du droit d’auteur, qui a été conçu non pas comme un programme d’aide sociale pour les auteurs, mais pour encourager la création de nouvelles œuvres » ont précisé les deux académiciens. Et de conclure que l’industrie musicale dans son ensemble a su s’y retrouver financièrement, notamment grâce aux concerts et au merchandising.


Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !