Lors du colloque sur la neutralité du net organisé mardi par l’ARCEP, l’idée de rassembler les compétences éparses de différentes autorités administratives pour réguler la neutralité du net a semblé faire consensus. Résumé de la journée.

Mardi, l’ARCEP réunissait à Paris toute la journée un grand nombre d’acteurs de premier plan du monde des télécoms, à la fois des opérateurs de réseaux et des opérateurs de services. Le colloque sur la neutralité des réseaux n’a pas permis d’y voir beaucoup plus clair sur les futures orientations législatives, mais il a tout de même permis de dégager quelques grandes lignes.

Il semble ainsi acquis pour tout le monde, sans aucune exception, que le mobile peut et même doit bénéficier d’un traitement différencié par rapport à l’internet fixe. Le mode d’accès par les ondes oblige en effet à une gestion de la rareté de ces ondes, alors que sur le fixe il est toujours possible d’augmenter la taille des tuyaux. Mais l’atteinte à la neutralité n’est pas pour autant une nécessité sur le mobile. Si les opérateurs défendent l’idée qu’ils doivent nécessairement donner la priorité à certains services, ou surfacturer certaines applications, Benjamin Bayart (président de FDN) a rappelé l’évidence. « Quand quelque chose coûte cher à produire, ça doit coûter cher à vendre« . Le plus vieux FAI français estime en quelques sortes que si les abonnements illimités à Internet sans fil doivent conduire à violer la neutralité du net pour assurer le service, il faut s’interdire les abonnements illimités et facturer plus cher le service rendu. Toute forme bridée d’internet illimité ne serait plus de l’internet, et ne devrait donc pas être vendu en tant que tel, a-t-il défendu. Une position logique, mais isolée.

Sur l’internet fixe, les choses ne sont pas simples non plus. Il s’est dégagé un certain consensus sur l’idée qu‘aucune tractation commerciale ne devait inciter les FAI à donner la priorité au trafic d’un partenaire, ou au contraire pénaliser un service qui ne paierait pas de surprime pour sa consommation de bande passante. Le directeur de Free Maxime Lombardini (qui s’est plaint essentiellement de la pression fiscale imposée aux FAI en France) a choqué lorsqu’il a annoncé que Free souhaitait faire payer les quelques services les plus consommateurs, qui « se comptent sur les doigts des deux mains« , mais il a ensuite été poussé à dire que ceux qui ne paieraient pas ne seraient pas pénalisés pour autant.

Mais il y a eu aussi quasi consensus sur le fait que, dans le cadre de leur « gestion du trafic », les FAI pouvaient donner la préférence à certains protocoles ou types de services par rapport à d’autres, avec un devoir de transparence sur les règles appliquées. C’est l’idée de la « neutralité entre services » qu’avait exprimé l’ASIC, et qu’elle a redite hier. « Etre neutre n’est pas être totalement inactif« , a indiqué dans la même veine le directeur de la stratégie de SFR, Jean-Dominique Pit.

Les députés socialistes, qui devraient déposer une proposition de loi sur la neutralité du net dans les prochaines semaines, sont eux aussi dans cette idée. Christian Paul a ainsi déclaré qu’il « accepte la priorité par protocoles, mais pas contre rémunération« . Il a aussi demandé à ce qu’on ne touche pas au P2P, et affirmé que le principe de la neutralité du net devait s’imposer comme un principe de force constitutionnelle, puisqu’il garantit en quelques sortes la liberté d’expression.

Finalement, et ça n’est pas un hasard, le conférence s’est achevée sur le thème de la régulation des réseaux dans l’univers convergent. Le CSA, la CNIL, l’ARCEP et l’Autorité de la Concurrence ont tous eu voie au chapitre pour expliquer leurs difficultés à réguler un internet qui échappe en partie à leur contrôle. Si la fusion de l’Arcep et du CSA ne semble plus à l’ordre du jour, l’idée d’un rapprochement des compétences pour mettre en place un « pouvoir de règlementation des conflits » est assurément dans l’air. Les deux entités pourraient ainsi arbitrer les litiges qui se présenteraient si un opérateur donnait, par exemple, la priorité à certains services par rapport à d’autres de même nature.

En conclusion, le Président de l’ARCEP Jean-Ludovic Silicani a ainsi préciser que les « modalités » de régulation du net seront à préciser par le législateur. Ce devrait être la clé de voute d’un projet de loi qui pourrait être déposé à l’automne prochain. Pour M. Silicani, il s’agit de faire « respecter toutes les libertés assurées par la Constitution et la Convention Européenne des Droits de l’Homme, au premier rang desquelles la liberté d’expression« . Mais pas seulement. L’Hadopi, qui était également invitée au colloque, fera nécessairement valoir son intention de faire respecter le droit constitutionnel de propriété et d’intervenir, en tant qu’autorité administrative, dans un éventuel collège de régulation de la neutralité du net. « La neutralité ne peut pas être l’alibi de l’illégalité« , a ainsi prévenu M. Musitelli, membre du collège de l’Hadopi.


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