« Je me demande combien de dispositifs d’écoute y seront intégrés. » « C’est la plus grande menace pour la sécurité nationale que j’ai entendue depuis hier. » « La corruption flagrante et ostentatoire est dingue. » Ces commentaires sont une partie des réactions que l’on trouve sur le net et qui résume bien le sentiment général qui a saisi de nombreux internautes depuis le 12 mai.
C’est en réaction à l’article paru ce jour par ABC News que ces messages ont fleuri en ligne. Le média américain relate que l’administration Trump est prête à accepter le « palais dans le ciel » offert à Donald Trump par le Qatar, selon ses sources. En l’espèce, le palais dont il est question est un avion de ligne de type Boeing 747-8, particulièrement luxueux — un faste auquel l’homme d’affaires est très sensible.
Cette perspective a été partiellement admise par le président américain, dans un message paru via son compte sur Truth Social, peu avant la publication de l’article d’ABC News :
« Le fait que le ministère de la Défense reçoive en cadeau, GRATUITEMENT, un avion 747 pour remplacer temporairement l’Air Force One, vieux de 40 ans, dans le cadre d’une transaction très publique et transparente, dérange tellement les démocrates véreux qu’ils insistent pour que nous payions l’avion au prix fort. N’importe qui peut faire ça ! Les démocrates sont des perdants de classe mondiale !!! MAGA »

Selon ABC News, Donald Trump a déjà visité l’avion en février 2025 quand il se trouvait à l’aéroport international de Palm Beach, en Floride. Il s’avère que celui-ci est à peine distant de 5 km de Mar-a-Lago, l’une des propriétés de l’actuel locataire de la Maison-Blanche, dans laquelle il se rend souvent, pour faire du golf notamment. Le surnom de « palais volant » associé au 747 vient de sa décoration intérieure, décrite comme très somptueuse.
Cet avion offert pourrait être accepté durant un déplacement du président dans le Golfe, pour rencontrer les dirigeants de l’émirat, mais aussi d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, au cours des jours à venir. Cette tournée serait d’ailleurs le premier déplacement officiel de Donald Trump à l’étranger durant son second mandat, exception faite de l’aller-retour à Rome pour assister aux funérailles du pape François.
Des questions éthiques, légales et de sécurité


Outre-Atlantique, ce geste de la famille royale qatarie commence déjà à créer d’importants remous. Surtout, il soulève d’importantes questions éthiques, légales et de sécurité informatique comme d’exposition à de l’espionnage. C’est d’ailleurs sur ces deux dernières problématiques que le journaliste et historien Garrett M. Graff, par ailleurs expert en cybersécurité à l’institut Aspen, appuie sur BlueSky.
« Permettez-moi de vous le dire : l’idée que le commandant en chef des États-Unis prenne l’avion d’un gouvernement étranger est un véritable cauchemar sur le plan de la sécurité. Ce n’est pas pour rien que les États-Unis sont le seul pays au monde à fournir à son dirigeant ses propres hélicoptères à l’étranger », a-t-il écrit. Idem pour les voitures blindées : dans ce domaine, c’est le made in USA qui prime, et tout est étroitement surveillé et protégé.
Bien que produit par Boeing, le géant américain de l’aéronautique, ABC News fait observer que l’appareil aura été de fait entre les mains d’une puissance étrangère pendant treize ans. Une situation qui a de quoi soulever des interrogations, compte tenu des velléités de la Maison-Blanche de s’en servir comme d’un nouvel Air Force — du nom de l’indicatif désignant l’avion dans lequel se trouve le chef de l’État.

Cependant, avant de transporter Trump, l’aéronef arriverait d’abord entre les mains de l’US Air Force, pour « qu’il réponde aux spécifications militaires américaines requises » pour Air Force One, poursuivent nos confrères. En creux, on devine que des vérifications intensives seront effectuées dans chaque recoin pour neutraliser, le cas échéant, tout dispositif d’espionnage, posé par le Qatar ou une autre puissance ayant réussi un coup.
Ce « don » pose aussi des questions sur un plan plus éthique, car d’aucuns craignent que cela ne place le président dans une posture inconfortable, sous une certaine influence du Qatar ou le rendant redevable à la famille royale. En tout cas, cette affaire survient à un moment où une polémique agite dans la péninsule arabique, avec la possibilité que Trump renomme le golfe Persique en golfe d’Arabie, ce qui agace l’Iran.
La légalité de ce transfert de propriété est également débattue et contestée, vu la valeur supposée de l’aéronef — celle-ci dépasserait les 400 millions de dollars, ce qui en ferait le cadeau le plus cher de l’histoire des États-Unis. En principe, la clause sur les émoluments étrangers, inscrite dans la Constitution américaine, interdit de recevoir des cadeaux de puissances étrangères, afin d’empêcher les influences étrangères corruptrices.
D’ores et déjà, il apparaît que les équipes juridiques oeuvrant pour l’exécutif américain estiment qu’il y a une ouverture pour légaliser l’affaire. Ce serait le ministère de la Défense qui réceptionnerait l’avion pendant la présidence Trump, et qui en aurait la charge, avant son transfert à la fondation qui aura la charge de la bibliothèque présidentielle. Ainsi, le milliardaire ne serait pas directement en infraction avec la Constitution.
Le remplaçant d’Air Force One a du retard
Actuellement, la flotte présidentielle américaine comporte deux avions de ligne de type Boeing 747-200, un modèle qui a fait ses débuts en 1972, il y a plus de cinquante ans — les versions Air Force One ont toutefois fait leurs débuts en 1990. Il existe un plan pour remplacer ces deux appareils par des avions de type Boeing 747-8, qui ont commencé leur carrière en 2010, il y a moins de quinze ans.

Or, Boeing est empêtré dans les difficultés (l’affaire du Boeing 737 MAX et, dans une moindre mesure, les soucis de la capsule Starliner). L’avionneur, en retard sur son planning, ne sera pas en mesure de convertir les appareils (déjà construits) à temps pour que Donald Trump puisse voler avec durant son second mandat. Boeing avait signé un deal en 2018 d’un montant de 3,9 milliards de dollars pour les livrer en 2026 et 2027.
Il est désormais question d’une livraison à 2029, voire au-delà. À cette date, l’actuel locataire de la Maison-Blanche ne sera en principe plus au pouvoir et il n’aura donc pas volé dans le nouvel Air Force One. Un report qui le frustrerait et qui expliquerait donc cette envie de basculer sur un autre Boeing 747-8 déjà « disponible », nonobstant le temps indispensable pour procéder à toutes les transformations et tous les aménagements adéquats.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

Toute l'actu tech en un clin d'œil
Ajoutez Numerama à votre écran d'accueil et restez connectés au futur !
Marre des réseaux sociaux ? Rejoignez la communauté Numerama sur WhatsApp !