Le ministre de l'économie et des finances Pierre Moscovici, et la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, ont communiqué ce vendredi le résultat d'une étude (.pdf) commandée en juin 2013 à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale des affaires culturelles, sur l'apport de la culture à l'économie française. Il conclut que le secteur culturel aurait pesé 104,5 milliards d'euros en 2011, avec 57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée par les activités culturelles, ce qui représente 3,2 % du PIB, et 670 000 emplois.
En terme de valeur ajoutée, la culture pèserait ainsi autant que l'agriculture, et sept fois plus que l'industrie automobile. Des chiffres impressionnants qui doivent permettre de défendre, entre autres, l'accentuation continue de la protection de la propriété intellectuelle, ou le subventionnement des industries culturelles et des créateurs par les pouvoirs publics (l'Etat, c'est-à-dire le contribuable, a versé 13,4 milliards d'euros d'aides au secteur culturel en 2011, et les collectivités territoriales ont ajouté 7,6 milliards).
Néanmoins pour parvenir à ces chiffres, les inspecteurs ont choisi d'étendre "le champs des activités spécifiquement culturelles, en incluant également des activités indirectement culturelles, qui ne sont pas culturelles en elles-mêmes mais dont l'activité est intimement et indissociablement liée à l'existence d'activités culturelles". Il s'agit des professionnels du bâtiment qui interviennent sur les rénovations de monuments historiques ou culturels, mais aussi des consommations d'électricité, de services de transporteurs, d'achats de biens courants, etc., générés par la culture dans son ensemble. Il faut également comprendre la culture au sens large, avec l'intégration de 100 000 personnes travaillant dans la publicité, et 87 000 dans la presse. Soit, à eux seuls, davantage que les professionnels du spectacle vivant (150 000 emplois).
Amazon, Apple, Steam, Google… dans l'oeil du cyclone
Dans le cadre de l'étude, le rapport pointe du doigt l'impact du numérique sur la chaîne de valeur, et le changement de nature (et de nationalité) des intermédiaires, de plus en plus américains. "En modifiant les technologies, le numérique transforme en profondeur les usages et les modes de consommation des produits culturels", font remarquer les inspecteurs, qui précisent :
Le premier segment impacté par la révolution numérique est celui de la distribution/diffusion : avec la généralisation des jeux dématérialisés, les chaînes de vente de jeux vidéo physiques doivent réinventer leur modèle économique ; avec la consommation en ligne de programmes audiovisuels ou cinématographiques, les chaînes de télévision sont susceptibles de faire face à une baisse potentielle de leurs recettes publicitaires. Le deuxième segment est celui de la création : dès lors que les créateurs de séries télévisées ou de jeux vidéo peuvent s’adresser directement à leurs consommateurs via des plateformes numériques (Netflix, Facebook, AppStore), la définition d’un nouveau modèle économique (abonnements, freemium, paiement à l’acte) leur permettrait de s’affranchir du financement par les « éditeurs » (chaînes de télévision, éditeurs de jeux vidéo).
Cette redéfinition de la chaîne de valeur pose la question de la nouvelle répartition de la valeur ajoutée, qui sera désormais captée par les plateformes numériques chargées de l’intermédiation entre les créateurs et les consommateurs et qui se trouvent de ce fait désormais en position de force pour attirer les ressources publicitaires, pour « éditer » les créations, c’est-à-dire mettre en valeur les contenus qu’elles choisissent, et pour imposer leurs conditions aux créateurs.
(…) Ainsi, Apple est devenu le plus grand fournisseur de jeux vidéo dématérialisés au monde avec son AppStore. Enfin, des plateformes de distribution digitale de jeux sur PC ont été développées par des pure players (par exemple Steam, qui revendique 50 millions d’utilisateurs et représenterait plus de 90 % du marché du jeu en téléchargement sur PC).
(…) Le numérique transforme en profondeur et de façon « disruptive » les usages et les modes de consommation des produits culturels industriels. Si le premier segment impacté est celui de la distribution/diffusion, le secteur de la création l'est également par l'irruption de nouveaux modèles économiques permettant aux créateurs de s’affranchir partiellement du financement par les « éditeurs » (chaînes de télévision, éditeurs de jeux vidéo…). Une part de la valeur ajoutée s'en trouve captée par les plateformes numériques chargées de l’intermédiation entre les créateurs et les consommateurs (Apple, Google, Amazon…), les mettant en position de force pour attirer les ressources publicitaires et pour imposer leurs conditions aux créateurs.
Dans leur communiqué, les deux ministres Aurélie Filippetti et Pierre Moscovici y voient la validation d'une politique visant à "inciter à l’émergence de modes de partage de la valeur respectueux de l'ensemble de la chaîne économique et notamment des créateurs, à l’ère numérique".
Ils font savoir "qu’après les travaux engagés en 2013 et les concertations menées dans les différents secteurs des industries culturelles, après les premières réformes conduites notamment dans la loi audiovisuelle et les lois de finances pour 2013 et 2014, les réformes et les évolutions des dispositifs de soutien à la création se poursuivront en 2014, dans le cadre notamment de la loi sur la création", qui doit être présentée en février prochain.
Il s'agira alors de taxer ces intermédiaires en position dominante, pour reverser une part de ces taxes aux créateurs français.
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