La Commission Européenne a annoncé qu’elle allait demander à la Cour de Justice européenne de confirmer que l’accord ACTA ne devait pas limiter les libertés d’expression et d’information en Europe. Mais cette question cache le véritable problème posé par l’accord international…

Voilà qui ressemble à une tentative de déminage. Depuis des mois, la Commission européenne s’efforce de prétendre que l’ACTA ne changera strictement rien à la législation des états membres. Mais elle ne convainc pas. Au contraire, les manifestations anti-ACTA se multiplient, et surtout de nombreux états européens sont en train de renoncer à sa ratification. A peine avions-nous publié notre « Carte de l’ACTA » qu’il fallait ajouter la Slovénie à la liste des pays qui mettent en pause le processus. Plus du tiers des états membres de l’Union Européenne ont freiné des quatre fers.

Aussi, à trois jours d’une nouvelle grande journée de mobilisation Anti-ACTA, la Commission Européenne tente une ultime manœuvre.

La commissaire Viviane Reding a annoncé mercredi matin que la Commission avait décidé de demander à la Cour de Justice Européenne de se prononcer sur le contenu de l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon, « pour clarifier le fait que l’accord ACTA et son implémentation doivent être entièrement compatibles avec la liberté d’expression et la liberté d’Internet« . Viviane Reding rappelle qu’elle s’était prononcée contre la riposte graduée (qu’elle avait cependant jugée compatible avec le droit communautaire), et que l’Europe s’oppose au blocage des sites internet. « La protection du droit d’auteur ne peut jamais être une justification de l’élimination de la liberté d’expression ou de la liberté d’information« , écrit-elle.

Mme Reding affirme que le droit d’auteur « n’est pas un droit fondamental absolu« , et qu’il faut trouver l’équilibre entre la propriété intellectuelle et la liberté d’expression et d’information. « La liberté d’information et la propriété intellectuelle ne sont pas des ennemis, ils devraient être des partenaires !« , écrit la commissaire européenne.

Or c’est justement l’avis de la CJUE, qui a rendu récemment deux arrêts très importants qui affirment que le droit d’auteur n’est pas supérieur aux autres droits. Le premier (Sabam vs Scarlet) interdisait d’imposer le filtrage des contenus aux FAI, tandis que le second appliquait la même doctrine aux services en ligne (Sabam vs Netlog). Dans ces deux arrêts, de novembre 2011 et février 2012, la CJUE affirmait la nécessité de ne pas sacrifier les droits fondamentaux sur l’autel de la protection des droits d’auteur. « Il ne ressort nullement de la Charte (des droits fondamentaux), ni de la jurisprudence de la Cour, qu’un tel droit serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue« , avaient écrit les juges.

L’avis de la CJUE sur l’ACTA, s’il est positif, devrait donc être de nature à rassurer. Et il devrait être positif.

Sauf que.

Le problème de l’ACTA n’est pas véritablement dans son contenu, qui s’est largement effrité à mesure que les négociations ont été rendues publiques et que les intentions premières ont été douées sous un déluge critiques. Comme l’avait expliqué Numerama dès mars 2010, l’objectif réel de l’ACTA est d’établir une nouvelle organisation internationale, le Comité ACTA, qui aura tout loisir d’étendre le contenu de l’accord et de l’imposer aux pays qui n’ont pas négocié le texte. Le but est de contourner l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), au sein desquelles les pays en développement ont pris un poids tel qu’il est devenu impossible d’y proposer toujours davantage de protection de la propriété intellectuelle. Au contraire, les nouvelles puissances comme l’Inde ou le Brésil demandent un assouplissement des règles.

Avec l’ACTA, qui est avant tout un accord de libre-échange, il sera possible d’inciter les états en développement à accepter de nouvelles règles toujours plus contraignantes, en échange de contreparties commerciales.

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