Dans son livre Just For Fun, Linus Torvalds raconte l’histoire incroyable de Linux, un système d’exploitation qu’il a créé dans sa jeunesse un peu par hasard, pour s’amuser. Vingt-cinq ans plus tard, quel avenir pour Linux, devenu par la force des choses l’OS le plus utilisé au monde ?

Le grand public ne le sait pas forcément, mais Linux est le système d’exploitation le plus utilisé au monde, très loin devant Windows. Surprenant ? Pas si l’on prend en compte la totalité du secteur informatique, des serveurs aux supercalculateurs, en passant par les consoles et les terminaux. Dans ce cas-là, et même s’il reste un mystère pour l’utilisateur lambda, Linux tient le haut du pavé.

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Linus Torvalds

Incontestablement, Linus Torvalds, le créateur du noyaux Linux, est à l’origine de l’une des plus belles histoires de l’informatique de ces trente dernières années et il faut le reconnaître : Linux a laissé une empreinte discrète mais durable sur le monde. Aussi, au moment où l’on fête les vingt-cinq ans du système d’exploitation libre et open source, c’est une bonne occasion pour lui de se souvenir de tout le chemin accompli par le logiciel et d’essayer de deviner quel sera son avenir.

Créé un peu par hasard, un peu par « naïveté » selon Linus Torvalds, le système d’exploitation a surtout su s’imposer grâce à sa flexibilité et sa gratuité, qui ont favorisé l’émergence d’une pléthore d’usages, de la machine à laver connectée aux satellites. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que la majorité des smartphones dispose aujourd’hui d’un noyau Linux dans le ventre. Avec le succès d’Android, cela a permis du même coup de mettre Linux dans les mains du monde entier.

Mais du côté de la bureautique grand pulic, la situation est nettement moins rose. C’est justement l’un des aspects que Linus Torvalds a tenu à aborder lors d’une entrevue avec IEEE Spectrum, entre deux discussions sur l’avenir de Linux et, donc, de l’informatique.

et si linux s’imposait enfin sur le desktop

On renvoie souvent Linux à son incapacité depuis deux décennies à coloniser massivement les ordinateurs personnels. Le tableau n’est en effet pas très flatteur pour l’OS libre. Même Ubuntu, qui est pourtant une distribution très facile d’accès et très proche de Windows, n’a pas une part de marché significative. Et de l’aveu même de Linus Torvalds, la situation ne risque pas d’évoluer franchement à court et moyen terme.

Les obstacles sont en effet nombreux, qu’il s’agisse de l’emprise de Microsoft et d’Apple du côté du grand public, à travers la vente liée du système d’exploitation au matériel, ou de la disponibilité des logiciels sur les deux grands OS du marché. Ce n’est en effet pas très engageant de basculer sur un système d’exploitation sans être sûr de pouvoir retrouver tout son écosystème logiciel. Sans parler des habitudes des usagers eux-mêmes, qui n’ont pas forcément envie de bousculer leur confort.

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« Sur le pourquoi du comment faisant que le desktop reste à conquérir pour Linux, il y a de nombreuses raisons, mais l’une des plus importantes est tout simplement l’inertie des utilisateurs de PC », lance-t-il.

Mais si la guerre n’est pas (encore) gagnée, des batailles ponctuelles sont quelques fois remportées par Linux. C’est dans ce cadre que l’essor des Chromebooks de Google a été évoqué par Linus Torvalds. Toutes proportions gardées, ces machines ont permis de mettre dans les mains du grand public l’OS remanié par Google, sous une forme certes très différente des distributions GNU/Linux classiques.

les plus importants obstacles restent…

Si Linux a une carte à jouer sur les ordinateurs personnels, encore faut-il que sa main de départ soit favorable. Or voilà vingt-cinq ans que Linux continue de faire face aux mêmes obstacles, à commencer par le support matériel du noyau, qui est toujours la partie la plus compliquée à gérer pour les développeurs et la communauté. Il s’agit de la difficulté centrale, selon Linus Torvalds.

La prise en charge des drivers est ainsi rendue complexe par la structure même du secteur. « Les appareils embarqués tendent à un renouvellement du matériel très rapide (on peut peu ou prou développer un nouveau téléphone en Chine en un mois ou deux par exemple), et essayer de travailler ensemble dans ce type d’environnement est difficile », admet-il. Mais les choses bougent petit à petit : « La bonne nouvelle c’est que de nombreux constructeurs se mettent à aider la communauté. Ce qui n’a pas toujours été le cas ».

Quoiqu’il en soit, c’est un problème qui devient de plus en plus difficile à aborder pour les distributions GNU/Linux, en particulier celles qui aujourd’hui cumulent des retards d’interface et de matériel pour s’imposer sur le segment de la tablette aux 2-en-1.

Cela ne se pose pas du tout de problème pour Google et Android, en revanche, puisque les constructeurs ont unanimement désigné l’OS comme plateforme de développement par défaut pour les nouveaux appareils mobiles.

qu’attendre des 25 prochaines années ?

En soufflant sa bougie de quart de siècle, Linux entre désormais dans une nouvelle phase de son existence. Dans vingt-cinq ans, Linux aura cinquante ans. Que faut-il donc espérer de l’avenir du système d’exploitation ? Linus, affichant sa modestie, avoue ne pas trop savoir à quoi s’attendre, se décrivant avant tout comme un ingénieur du quotidien plutôt que comme un visionnaire.

En tout cas, il n’imagine aucune grande révolution. Rien d’étonnant à ses yeux : sur les 20 dernières années, l’informatique n’a pas connu de très grandes révolutions. Aussi, les problèmes d’hier resteront ceux de demain. Et l’intelligence artificielle alors ? Sur ce point, Linus Torvalds se montre très prudent. Il admet qu’il n’aurait pas cru les voir arriver de son vivant. « Les intelligences artificielles étaient une de ces choses dont on a toujours dit que c’était pour dans 20 ans et que cela resterait longtemps pour dans 20 ans ».

Les intelligences artificielles étaient une de ces choses dont on a toujours dit que c’était pour dans 20 ans

Cela étant, il insiste en prédisant que l’essentiel de l’informatique demeurera tel qu’on le connait aujourd’hui. « Je peux presque garantir que les IA ne remplaceront pas le modèle de l’ordinateur traditionnel. Pour la raison simple que les gens vont vouloir des machines plus intelligentes, mais ils voudront surtout des machines qui font exactement ce qu’ils leur demandent. Donc notre type d’utilisation ne va pas disparaître, il sera seulement augmenté par les IA ».


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