Un artiste confronte les touristes sur le Mémorial de l’Holocauste avec de vraies photographies des camps d’extermination nazis pendant la Seconde guerre mondiale.

Quel rapport a-t-on à la mémoire dans une culture de l’auto mise en scène ? Cette question a été posée par l’artiste israélien Shahak Shapira qui a créé une installation web aussi violente que déroutante. Yolocaust est un assemblage de clichés d’eux-mêmes pris par des touristes sur le Mémorial de l’Holocauste à Berlin et des photos historiques des camps d’extermination nazis.

On y voit d’abord des hommes et des femmes heureux, souriants, qui tentent parfois des pauses artistiques entre deux blocs de béton. Puis, en passant la souris sur l’une des images, la joie tourne au cauchemar : la personne est intégrée dans une photo montrant les milliers de corps sans vie des Juifs exterminés pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le contraste violent bouleverse et met instantanément mal à l’aise. D’autant que les commentaires laissés par les auteurs des clichés, publics, sont souvent déplacés : « On saute sur des Juifs morts ! » dit le premier. « Quel endroit incroyable ! » s’exclame un autre. « Le Yoga nous connecte avec tous les gens autour de nous », affirme, inspirée, une touriste de passage.

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Le Mémorial de la Shoah est composé de 2 711 colonnes de béton, qui, pour beaucoup, symbolisent les tombes des 6 millions de Juifs assassinés par le régime nazi. Cette œuvre moderne et extrêmement neutre inspire une ambiance pesante mais ne raconte pas d’histoire : son absence de littéralité laisse au visiteur la possibilité de s’approprier cette mémoire. L’artiste, de son côté, rétablit une mémoire visuelle de l’Holocauste derrière la neutralité des blocs de béton et se demande, dès lors, si ces personnes auraient fait les mêmes photos s’ils étaient conscients de la réalité de la Shoah.

Non sans humour : s’il trouve que les comportements qu’il a observé sur le site sont irrespectueux, il estime que « les victimes sont mortes et sont probablement en train de faire des trucs de gens morts plutôt que d’avoir quelque-chose à faire de tout cela ». Ce n’est donc pas tant le respect d’un lieu que l’artiste interroge, mais la manière dont nous nous rappelons de l’Histoire, à l’ère du self-branding, des selfies et du bonheur affiché sur les réseaux sociaux.

Ces photographies sont publiques et en ligne, mais l’artiste, clément, offre aux touristes la possibilité de retirer leur cliché du site en envoyant un mail à [email protected].


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