Le ministère de la culture est décidé à basculer l’ensemble de son environnement informatique sous Microsoft Office, au détriment des suites bureautiques libres. C’est ce que révèle un courrier. Facture attendue : 2 millions d’euros.

Il fut un temps pas si lointain où le ministère de la culture était sous la direction d’une personne qui avait déclaré son amour pour le logiciel libre lorsqu’elle était en poste en tant que ministre déléguée pour les petites et moyennes entreprises, l’innovation et l’économie numérique. Ce temps est semble-t-il révolu. Un remaniement plus tard, la Rue de Valois est aujourd’hui sous la direction d’une autre ministre, Audrey Azoulay, qui ne semble pas manifester le même souci que sa prédécesseur.

En tout cas, soucieuse ou pas du logiciel libre, Audrey Azoulay ne s’est pas opposée à l’idée de basculer l’intégralité de son ministère sous Microsoft Office. C’est ce qui transparaît dans un courrier obtenu par BFM TV. Dans celui-ci, on y lit la volonté de la ministre d’unifier l’expérience de travail entre ses différents services pour, on le devine, éviter des soucis provoqués par l’usage de plusieurs suites bureautiques.

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LibreOffice, alternative à Microsoft Office.

« Je suis aussi sensible aux conditions dans lesquelles vous travaillez. […] 2 millions d’euros seront engagés en 2017 pour améliorer la bureautique et les systèmes d’information relatifs aux ressources humaines pour qu’enfin, tout le monde travaille avec les mêmes logiciels », explique Audrey Azoulay dans sa missive datée du 28 septembre 2016.

Et plutôt que d’homogénéiser les postes de travail dans le sens du logiciel libre, la Rue de Valois optera pour… les solutions propriétaires de Microsoft. C’est ce que déclare une source à notre confrère. « Microsoft Office sera déployé sur les postes des agents de l’administration centrale. Actuellement, deux systèmes coexistent : la grande majorité des personnels utilise des logiciels libres et une minorité Microsoft Office, ce qui complique la communication ».

Microsoft Office sera déployé sur les postes des agents de l’administration centrale

Un choix curieux : visiblement, les logiciels libres comme Open Office et LibreOffice — ce sont les deux ténors du genre — sont plutôt répandus dans les couloirs du ministère, signe que l’adaptation à ces suites bureautiques n’est pas insurmontable pour les fonctionnaires. Et pourtant : c’est l’option minoritaire, qui est par ailleurs payante et propriétaire, qui a été retenue.

L’April, une association de promotion et de défense du logiciel libre, n’a pas encore réagi officiellement aux informations sorties dans la presse mais, connaissant ses précédentes prises de position, on peut d’ores et déjà anticiper la consternation des militants, dans un contexte qui ne leur est guère favorable, entre le contrat open bar Microsoft / ministère de la défense et l’accord signé entre le ministère de l’éducation nationale et la firme de Redmond qui permettra à cette dernière de mobiliser 13 millions d’euros pour faire entrer Office365 dans les écoles, former des enseignants ou contribuer à l’équipement des élèves en tablettes.

La décision du ministère de la culture fait quelque peu tache alors que la loi pour une République numérique demande à l’administration d’« encourager l’utilisation des logiciels libres » dans ses choix informatiques (il s’agit certes d’un simple encouragement : qui n’est pas aussi audacieux que de donner la priorité au logiciel libre dans l’administration, mais il est censé fixer un cap).

C’est aussi un arbitrage étrange à la fois pour des raisons économiques (au printemps 2014, le gouvernement disait vouloir faire 18 milliards d’euros d’économies au niveau de l’État, par exemple en réduisant ses dépenses informatiques : -40 % en cinq ans), politiques (les révélations d’Edward Snowden ont mis en lumière la proximité entre la firme de Redmond et la NSA) et philosophiques (faut-il opter pour un logiciel propriétaire alors qu’il existe des alternatives libres ?).


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