Le Bahreïn a condamné mardi le militant des droits de l'homme Nabil Rajab à 6 mois de prison, pour avoir publié un tweet jugé insultant envers les autorités du pays. Mais quel peut être le poids de la réaction française désormais que nos propres juges envoient des auteurs de tweets ou de dessins en prison ?

Il est difficile de trouver cela exagéré, maintenant que la France qui se rêve en patrie des droits de l'homme condamne lourdement des handicapés mentaux ou des mineurs pour de prétendues apologies du terrorisme qui n'ont parfois rien d'évident. Comment donner des leçons de tolérance et d'ouverture d'esprit lors que l'on oublie soi-même le nécessaire recul émotionnel qu'impose la liberté d'expression, qui n'a de réalité que si elle permet l'expression spontanée de ce qui choque, ce qui dérange, ce qui heurte la conscience et les sensibilités ?

Au Bahreïn, le directeur du Centre bahreïnien pour les droits de l’homme (BCHR) Nabil Rajab a été condamné mardi à 6 mois de prison pour avoir publié sur Twitter des messages jugés insultants envers les autorités du pays. Il avait été arrêté en octobre dernier, et placé pendant une semaine en détention provisoire. "L’article 216 du code pénal bahreïni prévoit une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et une amende contre toute personne qui porte atteinte à l’Assemblée nationale, les institutions constitutionnelles, l’armée, les autorités et les institutions gouvernementales", expliquait Le Monde au moment de son arrestation. Il pourra cependant échapper à l'emprisonnement effectif en payant une caution fixée à 200 dinars, soit environ 450 euros.

Le 28 septembre dernier, le militant des droits de l'homme avait publié sur son compte Twitter, suivi par plus de 250 000 abonnés, un message qui affirmait que "de nombreux Bahreïnis qui ont rejoint le terrorisme et l’Etat Islamique sont venus d'institutions sécuritaires et ces institutions ont été les premiers incubateurs idéologiques". Il commentait alors plusieurs actualités locales sur des défections d'agents du régime qui partaient rejoindre les rangs de l'EI, ou appelaient à les rejoindre.

Suivi très étroitement par les autorités du Bahreïn, Rajab avait déjà été plusieurs fois condamné, y compris pour des tweets. Son arrestation en octobre dernier avait été accompagnée de nombreux appels à le libérer et à protester contre le régime bahreïni, de la part d'organisations internationales de protection des droits fondamentaux. Mais la communauté internationale était restée largement silencieuse, ou peu convaincante. 

"La France est préoccupée par l'arrestation du défenseur des droits de l'Homme Nabil Rajab et par les poursuites engagées contre lui pour des messages publiés sur Internet", avait expliqué le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius lors d'un point presse le 18 octobre 2014. "Alors que Bahreïn s'engage dans un processus électoral que la France et ses partenaires européens souhaitent inclusif, nous appelons les autorités du pays à favoriser le débat public et à respecter les libertés d'opinion et d'expression, conformément à leurs engagements internationaux. Nous espérons qu'elles feront preuve de clémence dans la suite de cette affaire".

La parole de la France n'avait alors pas porté, et il est certain qu'en dépit du mouvement #JeSuisCharlie d'ampleur internationale et du défilé inédit organisé dans les rues de Paris, sa parole portera moins encore désormais que la France envoie elle-aussi des individus en prison pour de simples messages.


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