Comme le révèle Rue89, le député et ancien ministre Hervé Gaymard, qui a demandé la taxation de la vente de livres d'occasion sur Internet, est membre du Conseil d'administration de Dargaud. Il y croise le président du puissant Syndicat National de l'Edition, à qui profiterait fortement une telle réforme.

Vendredi dernier, nous révélions que l'ancien ministre de l'économie Hervé Gaymard avait interpellé le ministère de la Culture pour l'inciter à instaurer une redevance sur les ventes de livres d'occasion sur Internet, afin que les auteurs et surtout les éditeurs puissent toucher des droits chaque fois qu'un livre est revendu sur une plateforme comme eBay, Amazon, PriceMinister ou la FNAC. "Ceux qui ont créé et édité les livres vendus ne perçoivent aucun bénéfice de cette exploitation et voient même leur chiffre d'affaires amputé de recettes non négligeables", regrettait le député UMP.

Mais Hervé Gaymard a visiblement des raisons bien personnelles de proposer une telle réforme. En effet, Rue89 dévoile que l'élu de Savoie, qui était aussi le promoteur de l'indigne loi sur les livres indisponibles (laquelle a pour effet de redonner à des éditeurs des droits exclusifs qu'ils avaient perdu, au détriment de l'auteur), entretient des liens très étroits avec le milieu de l'édition littéraire. Sans jamais l'avoir fait savoir publiquement, et bien sûr sans s'être abstenu d'intervenir sur des dossiers où le conflit d'intérêt paraît manifeste, bien au contraire.

"Le député a rejoint le conseil d’administration de Dargaud en mai 2008", révèle ainsi Rue89. Il côtoie chez ce grand éditeur de bandes dessinées un autre éditeur, Vincent Montagne, qui n'est autre que le président du Syndicat National de l'Edition (SNE), le très influent lobby des éditeurs en France.

"Lorsqu’il a rejoint le conseil d’administration de Dargaud, il était membre de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale", rappellent aussi nos confrères, qui ont compté pas moins de quatre textes de lois déposés par Hervé Gaymard entre 2008 et 2011, favorables aux éditeurs et autres professionnels du livre : un texte pour exempter les librairies de l'obligation de payer leurs fournisseurs sous 45 jours maximum, un autre sur le prix unique des livres électroniques, une demande d'alignement de la TVA du livré numérique sur le livre papier, et le texte sur les livres indisponibles.

Or malgré le conflit d'intérêts évident, Hervé Gaymard ne voit rien à se reprocher et se dit "très fier" de son action parlementaire au service de l'édition littéraire. "Très franchement, je n’ai aucun intérêt financier ou monétaire" assure-t-il, ne percevant pas de rémunération de son poste d'administrateur chez Dargaud. "Il n’y a aucun état d’âme et aucune difficulté de mon côté".

En 2005, Hervé Gaymard avait dû démissionner de son poste de ministre de l'économie et des finances, après la fameuse affaire Gaymard. Le Canard Enchaîné avait révélé que le patron de Bercy habitait, lui, sa femme et ses 8 enfants, dans un appartement de 600m² loué aux frais de l'Etat pour 14 000 euros par mois. "Je suis propre comme un sou neuf", avait-il à l'époque affirmé, en s'engageant tout de même à rembourser l'Etat. "Nous travaillons comme des fous pour la République", avait-il ajouté.


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