Des membres de la communauté Jamendo suspectent l’organisateur du premier forum eG8, Publicis Groupe, d’avoir enfreint les droits de deux artistes diffusant de la musique sous licence libre. Une situation étonnante, dans la mesure où le forum a justement évoqué l’importance de la propriété intellectuelle, notamment dans la sphère numérique.

Le respect absolu du droit d’auteur est un exercice plus difficile qu’il n’y paraît, même pour les tenants de la ligne dure. Dix jours après la tenue du premier forum international consacré à Internet, l’inadéquation du droit d’auteur à l’ère du numérique réapparaît à la faveur d’une probable violation des droits d’auteur de deux artistes diffusant leur musique via la plate-forme française Jamendo.

L’affaire a été révélée par Xcyril sur les forums du site web spécialisé dans la musique libre, puis relayée par un autre membre, Chefgeorges, dans un autre sujet. Les deux internautes ont constaté que des passages de certaines pistes réalisées par Ehma (qui n’est plus lié à Jamendo PRO, préférant la licence art libre) et Revolution Void ont été utilisés pour sonoriser une vidéo promotionnelle utilisée dans le cadre du forum eG8.

Chefgeorges indique sur le forum de Jamendo avoir contacté les deux artistes, mais seul Revolution Void a pour le moment répondu au mail. Celui-ci « a confirmé ne pas être au courant » de l’utilisation de son titre, Invisible Walls, par l’organisateur de l’évènement, à savoir Publicis Groupe. La batterie, audible dans Invisible Walls, est pourtant bien présente dès le début de la vidéo.

Or l’album de Revolution Void, Increase The Dosage, est licencié sous le contrat Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0. Cela signifie que l’artiste autorise le partage et la modification de son œuvre à condition d’indiquer l’auteur initial, de ne pas en tirer un quelconque profit commercial sans autorisation et de partager ces conditions à l’identique (même licence ou licence similaire).

Bien entendu, rien n’interdit une double licence avec d’un côté une la licence publique Creative Commons que tout le monde peut utiliser et de l’autre une licence privée signée directement par l’auteur avec Publicis Groupe dans le cadre de l’eG8. Sauf que l’artiste découvre cette affaire. Cela laisse naturellement penser que la violation des droits paraît avérée, d’autant que l’origine des musiques n’est pas indiquée dans la vidéo hébergée sur YouTube.

Cette affaire, si l’infraction est démontrée, est d’autant plus cocasse que la déclaration finale des chefs d’État réunis lors du G8 à Deauville a mis l’accent sur une protection renforcée de la propriété intellectuelle sur Internet. « Nous renouvelons notre engagement à prendre des mesures fermes contre les violations des droits de propriété intellectuelle dans l’espace numérique » était-il notamment écrit.

Et maintenant ? Selon Chefgeorges, Revolution Void a prévenu la community manager anglaise, « qui dit découvrir le problème« . Celle-ci a indiqué qu’elle allait « rentrer en contact » pour trouver une solution (financière ?) à ce problème. Dans la mesure où c’est Publicis Groupe qui a organisé cet évènement, c’est vers le groupe de communication français que Jamendo devra naturellement se tourner.

La découverte par les membres de Jamendo n’est pas sans rappeler les nombreux couacs de l’UMP. Le parti présidentiel avait utilisé sans autorisation une chanson de MGMT pour sonoriser un meeting politique. L’UMP a ensuite de nouveau été dans la tourmente, après la découverte d’une utilisation non autorisée d’une musique dans le fameux Lip Dub appelant à « changer le monde ».

Nous pourrions également citer le logo de la Hadopi, qui exploitait sans autorisation une police de caractère réservée à France Télécom, le logo de l’Aquitaine, détourné sans autorisation par une branche locale de l’UMP ou encore une photo de 20 Minutes détournée à des fins électorales. Or, l’UMP a été en première ligne pour concevoir de nouvelles législations destinées à empêcher les infractions au droit d’auteur sur Internet.

Même dans le cas peu probable où un accord aurait été signé avec les auteurs, il est en principe interdit de ne pas citer leur nom. C’est le respect du droit moral, dont la France aime se glorifier par opposition au copyright. L’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur jouit du droit au respect de son nom […] et de son œuvre« , et que ce droit est « perpétuel, inaliénable et imprescriptible« .


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