LePots.fr a été condamné par la cour d’appel de Versailles à verser 10 000 euros de dommages et intérêts à l’animatrice Flavie Flament, parce qu’il avait re-publié, pour le démentir, un billet annonçant sa mort. Dans son arrêt, la cour démontre que si le site internet n’avait rien fait et laissé le billet en ligne, il aurait été protégé par les dispositions favorables aux hébergeurs de contenus.

L’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 6 janvier 2010 pourrait aboutir à pire que mieux dans la protection de la vie privée des personnalités publiques. La présentatrice Flavie Flament a obtenu jeudi la condamnation du site Internet Le Post, qui avait jugé bon en 2009 de démentir le billet publié par un internaute. « Non, Flavie Flament n’est pas morte », titrait l’équipe rédactionnelle de la filiale du Monde, après qu’un contributeur ayant prévenu n’avoir « aucune source sur ce fait », avait écrit, au conditionnel, que « Flavie Flament serait morte ».

Pensant faire honnêtement et prudemment son travail d’éditeur de presse en ligne, dont le décret du 29 octobre 2009 rappelle qu’il doit la conduire à « la recherche, la vérification et la mise en forme de ces informations« , Le Post avait retiré le billet de son contributeur, avant de vérifier l’information. Un journaliste du site contacte l’entourage de l’animatrice TV, se fait confirmer qu’elle est en bonne santé, et il décide alors de re-publier le texte initial, mais en changeant le titre, et en ajoutant en préambule le démenti. « Flavie Flament va très bien (…) Une rumeur morbide circulait depuis un blog, mais l’animatrice est bel et bien en bonne santé« , prévient le Post.

Or cette action, qui partait d’un bon sentiment, s’est retourné contre le site. Car dans l’article qu’il n’a pas modifié figurait sans autorisation la date de naissance de Flavie Flament, et une photographie de l’animatrice. C’est sur ce prétexte qu’elle a décidé d’intenter une action contre Le Post, pour atteinte à la vie privée et à son droit à l’image.

Avant la modération, Le Post est hébergeur. En cas de modération, il devient éditeur.

En première instance, le 18 juin 2009, le tribunal de grande instance de Nanterre a débouté Mme Flament. Mais la cour d’appel de Versailles lui a donné raison, par un raisonnement qui devrait inciter les plateformes de blogs et autres sites de journalisme contributif à se passer de toute modération, pour préserver leur statut d’hébergeur et ne pas subir le statut d’éditeur.

La Cour d’appel reconnaît en effet qu’au moment de la publication du premier billet, non modéré, Le Post pouvait se prévaloir du statut d’hébergeur reconnu par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Cette dernière, rappellent les juges, « distingue au sein des services de communication au public en ligne entre les sites hébergeur qui répond à la définition de l’article 6.1.2 selon laquelle sera tenu comme tel « le prestataire technique qui met à la disposition du public le stockage de contenus fournis par des destinataires de ce service », et le service éditeur qui implique le pouvoir de déterminer les contenus mis à la disposition du public en sorte que le critère du partage ainsi opéré réside dans la capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne« . Au moment où Le Post s’est contenté de publier automatiquement l’article posté par un internaute, « la société LePost.fr est intervenu, en l’espèce, en qualité d’hébergeur assurant la mise à disposition du public » de l’article.

L’arrêt retient aussi que dans ce cas où Le Post restait qualifié d’hébergeur, l’animatrice aurait dû notifier le caractère illicite de l’information propagée, pour en obtenir le retrait, ce qui n’a pas été fait. « La responsabilité de la société intimée ne peut être recherchée » sans notification préalable restée sans effet, rappelle la Cour d’appel.

En revanche, en prenant l’initiative de démentir et de remettre en ligne l’article démenti, Le Post a exercé un travail d’éditeur, ce qui lui vaut condamnation. D’abord parce que le fait de dire que la cause du décès démenti était une « overdose médicamenteuse » laissait supposer « que son état de santé psychique était tel qu’elle aurait ingéré une forte dose de médicaments« , ce qui est « manifestement de nature à porter atteinte à sa vie privée« . Ensuite parce que la publication de sa photo portait atteinte à son droit à l’image.

Ainsi, Le Post a été condamné à lui verser 10 000 euros de dommages et intérêts. Et la prochaine fois, il se contentera soit de retirer le billet totalement, soit de ne surtout pas y toucher pour ne pas passer du statut d’hébergeur à celui d’éditeur…


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