Elle avait déjà fait les gros titres en 2007 après avoir été condamnée à payer 220.000 dollars à la RIAA pour avoir téléchargé et partagé 24 chansons sur Kazaa. Après la révision de son procès, Jammie Thomas devra finalement verser 1,92 million de dollars au lobby du disque américain. Ahurissant.

La RIAA aura la victoire modeste en ce mois de juin. Le tribunal de Minneapolis et les jurés choisis pour trancher le cas de Jammie Thomas ont condamné jeudi cette mère de famille célibataire à verser près de 2 millions de dollars aux maisons de disques américaines, pour avoir téléchargé et partagé vingt-quatre chansons sur Kazaa en 2004. S’il s’agit sur le papier d’une énorme victoire pour la RIAA, cette condamnation incroyablement lourde ne fera en pratique qu’ajouter à la détestation qu’entretiennent les internautes contre la machine de guerre mise en place par le lobby du disque.

La RIAA, un peu honteuse d’une victoire aussi écrasante, pourrait même décider de ne jamais demander le paiement des 1,92 million de dollars auxquels elle a pourtant droit à l’issu du verdict. Si les médias s’emballent sur cette affaire, la condamnation pourrait avoir le même effet politique aux Etats-Unis que la lourde condamnation de The Pirate Bay en Suède, qui a propulsé le Parti Pirate au Parlement Européen.

En octobre 2007, Jammie Thomas avait été condamnée à verser la somme déjà effroyable de 222.000 dollars de dommages et intérêts à la RIAA pour avoir partagé 24 fichiers MP3 protégés par le droit d’auteur. Soit une somme de 9 250 dollars par chanson partagée sur Kazaa. L’affaire avait ému de très nombreux internautes, d’autant que la jeune femme démunie avait dû se résoudre à vendre des strings sur Internet pour rembourser sa dette.

Mais en mai 2008, l’espoir renaît. Le juge Michael Davis qui avait présidé le procès décide de reprendre le dossier de zéro. Un jugement d’Arizona venait alors de débouter la RIAA en exigeant que le lobby prouve que les fichiers contrefaits avaient bien été uploadés depuis les ordinateurs des suspects. Le juge Davis craint que dans le cas de Thomas, le tribunal a fait une erreur de droit déterminante en affirmant au jury que l’acte de mettre à disposition des enregistrements sonores de chansons protégés par le droit d’auteur était une violation du droit exclusif de distribution des titulaires de droits, sans avoir vérifié qu’une distribution effective des fichiers (un upload) avait bien été observée.

L’espoir était d’autant plus grand qu’en confirmant la révision du procès en septembre 2008, le juge avait imploré le Congrès de réviser les lois sur le droit d’auteur pour alléger les sanctions dans le cas des échanges de fichiers réalisés sans but lucratif. « La conduite de Thomas était uniquement motivée par son désir d’obtenir de la musique protégée par le droit d’auteur pour son propre usage« , avait rappelé le juge dans son ordre de révision du procès. « Le tribunal ne soutient pas les actions de Thomas, mais ça serait une farce de dire que les actes d’une mère célibataire qui utilise Kazaa sont équivalents, par exemple, aux actes de multinationales financières qui violent illégalement les droits d’auteur dans le but d’obtenir un profit sur le marché des valeurs mobilières« , avait-il ajouté. Visiblement, le juge Davis était soulagé d’avoir trouvé un motif de droit pour annuler la décision du jury populaire, et donner une nouvelle chance à Jammie Thomas.

Il doit aujourd’hui s’en mordre les doigts. Le procès en révision a été un véritable fiasco pour l’accusée. Enfermée dans le mensonge, elle a tout nié jusqu’à l’absurde. Elle avait d’abord juré sous serment que le disque dur fourni aux enquêteurs n’avait pas changé depuis les faits reprochés en 2004… alors que le disque portait une étiquette où l’on pouvait voir qu’il avait été fabriqué en 2005. Un ex-petit ami a même témoigné qu’il avait assuré à Jammie Thomas qu’elle ne risquait rien puisque le disque dur avait été remplacé, chose qu’il lui aurait dite avant qu’elle remette le disque dur aux enquêteurs, en toute connaissance de cause.

Elle a aussi assuré que l’ordinateur utilisé n’était pas le sien, mais la RIAA a fourni les logs de son sous-traitant MediaSentry où l’on voyait que les adresses MAC relevées correspondaient bien à celles de sa carte réseau Ethernet.

De même, elle avait tenté de dire que ça n’était pas elle qui utilisait Kazaa, alors que le pseudonyme employé sur Kazaa au moment des faits était Tereastarr, un pseudonyme qu’elle utilisait systématiquement en ligne depuis une dizaine d’années, et qui était aussi le nom de son ordinateur.

Finalement, elle a totalement changé de défense lors du procès en révision, en disant pour la première fois aux jurés que c’était en fait son petit ami de l’époque (un autre) qui avait téléchargé tous les fichiers sur Kazaa. Un revirement qui a passablement agacé le tribunal.

Au final, les jurés n’ont pu que constater la solidité des preuves apportées par la RIAA, et condamner Jammie Thomas. Mais 1,92 millions de dollars est une somme qui dépasse l’entendement, même dans un pays où l’on ne pardonne pas le parjure. Avec 24 chansons, c’est 80.000 dollars par titre que doit reverser Jammie Thomas à la RIAA !

Choquée par le montant prononcé par les jurés, Jammie Thomas a tout de suite fait savoir qu’elle ne paierait rien. Elle en serait de toute façon bien incapable.


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