C’est une idée lancée par l’omniprésent Frédéric Lefebvre, porte-parole survitaminé de l’UMP et secrétaire national en charge de l’économie, des finances publiques et des nouvelles technologies. Comme pour assurer l’industrie culturelle du soutien du gouvernement en des temps d’incertitudes, il propose de réunir des Assises de la création présidées par un ancien Nul, Dominique Farrugia. Une idée moins rigolote qu’elle en a l’air.

Depuis le succès du Grenelle de l’Environnement, l’UMP adore organiser des tables rondes et se persuader qu’elles sont au moins aussi utiles que celles qu’avait demandé Nicolas Hulot. Assises du Numérique par ci, Assises de la Presse par là, Grenelle de l’insertion, Assises de la forêt et du bois (mais si), Grenelle de la fiscalité locale, … n’en jetez plus. Ou si plutôt, encore une : les Assises de la Création. C’est la dernière idée en date, lancée vendredi par l’infatigable Frédéric Lefebvre.

Recorman épuisant mais jamais épuisé du nombre de communiqués de presse publiés chaque semaine, le porte-parole et député UMP (qui est aussi président du club parlementaire sur « L’avenir de l’audiovisuel » et président du groupe d’études sur le cinéma et la production audiovisuelle de l’Assemblée nationale) a proposé vendredi dernier lors du festival de la fiction TV à La Rochelle de réunir l’ensemble des métiers de la création et des diffuseurs pour arrêter une démarche unie en vue « des textes essentiels [qui] vont venir en discussion : projet de loi sur l’audiovisuel et projet de loi sur les droits d’auteur, et alors que vont être préparés les décrets sur la production qui remplaceront les décrets Tasca« .

L’idée de ces Assises de la Création a été soutenue immédiatement par le le SNEP (Syndicat national des éditeurs phonographiques), l’UPFI (Union des producteurs français indépendants) et des organisations du cinéma comme l’APC (Association des producteurs de cinéma).

Cerise sur le gâteau, histoire de faire populo, les Assises pourraient être présidées par Dominique Farrugia, qui en connaît cependant un rayon en télévision et en création.

Le complice d’Alain Chabat a laissé depuis longtemps son costume de Nul dans le vestiaire avec son sens de l’humour soigneusement rangé dans la poche intérieure gauche. Farrugia est aujourd’hui un homme d’affaires accompli qui voit davantage l’humour et la création comme les matières premières d’un business qu’il doit soigneusement faire tourner. Soutien déclaré de Nicolas Sarkozy à la dernière campagne présidentielle, Farrugia est producteur de films (Delphine1, Yvan 0 ; Trafic d’Influence, Vidocq, Monsieur Batignole, Meilleur Espoir Féminin, Paparazzi…), ancien PDG de la chaîne Comédie filiale du groupe Canal+/Vivendi, et ancien PDG de Canal+, avec tout ce que cela implique comme rapports privilégiés avec le grand monde du cinéma.

Confier à Farrugia la présidence d’éventuelles Assises de la Création ne serait pas gage de neutralité, loin s’en faut. C’est un peu comme si l’on avait donné les clés du Grenelle de l’Environnement au président de Total. Mais ce serait au moins un signe clair, celui qu’il ne faut rien attendre de ces Assises, si ce n’est l’habituelle charge contre les internautes et l’idée de taxer les FAI sans accorder le moindre droit de copie privée au public en retour. Le nom de Dominique Farrugia n’est d’ailleurs pas tout à fait sortie d’un chapeau, puisque l’homme a participé à la séance de propagande interne de l’UMP organisée lors des universités d’été à Royan, au début du mois, en faveur du projet de loi Création et Internet (ex Hadopi).

« Il faut débattre de la  » sanctuarisation  » de la création dans le service public, gage de la diversité, d’où ma proposition d’un audit par un cabinet indépendant de France Télévisions« , a expliqué Frédéric Lefebvre pour présenter les grandes lignes des Assises.

« Il faut débattre de l’instauration d’un fonds en faveur de la création qui serait alimenté par les contributions du monde de l’Internet et des télécoms, une fois réalisée la compensation à l’euro prêt de la suppression de la publicité dans le service public. Il faut débattre des obligations de production, de diffusion et de circulation des œuvres sur les télévisions hertziennes, sur les chaînes de la TNT et sur Internet« . Succès garanti.


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