Ca ressemble à un combat entre l’industrie culturelle et la culture. Alors que les premiers militent pour l’adoption du projet de loi Création et Internet qui doit mettre en place la riposte graduée, 86 artistes de terrain, de tous horizons, s’unissent pour protester contre le texte présenté par Christine Albanel. Le ministère devra choisir son camp.

Nous ne nous lasserons jamais de le répéter, le projet de loi Création et Internet est un mauvais texte, et ça n’est pas une réunion de propagande organisée dans les rangs de l’UMP pour convaincre les députés du contraire qui y changera quoi que ce soit. Comme nous le notions encore au début du mois, il s’agit d’une loi économiquement stupide, judiciairement bancale et socialement injuste. Nous avons déjà détaillé quelques unes des multiples raisons de la rejeter, mais malgré la légitimité contestée de son élaboration, et contre toute logique économique et sociale, le texte devrait être présenté cet automne aux parlementaires en vue de son adoption avant la fin de l’année.

Comme son prédécesseur en son temps, Christine Albanel ne manquera pas de prétendre comme elle l’a déjà fait à d’innombrables reprises que le texte de la loi Création et Internet est un texte équilibré, issu d’un consensus entre les différentes parties en présence. Elle n’hésitera pas, surtout, à le défendre « au nom des artistes ». Mais quels artistes ?

Le site de culture électronique Poptronics s’est mis en quête cet été de montrer que le texte est loin d’être soutenu « par la base », par les artistes eux-mêmes, quel que soit leur horizon culturel. Aux côtés du collectif Internet Mon Amour, qui organise régulièrement des débats autour des questions touchant à Internet au Centre Pompidou, Poptronics a rencontré des auteurs, artistes plasticiens, compositeurs, architectes et autres esprits créatifs « qui utilisent quotidiennement l’Internet et refusent d’être instrumentalisés par le gouvernement dans sa lutte contre le téléchargement illégal« .

Il en est ressorti une pétition commune signée par 86 artistes, et ouverte aux internautes, qui dénonce un projet de loi « en total décalage avec notre réalité, bien loin de la « Création » et encore plus de cet « Internet » dont il prétend réguler les pratiques« .

« Très sérieusement et depuis longtemps, nous nous posons la question du droit d’auteur, celle de la diffusion des œuvres sur les réseaux et de leur réception. Tout comme nous nous posons la question de l’économie de la création, sur l’Internet et ailleurs« , assurent les signatures. Mais « Ce projet de loi est contraire à nos pratiques, tout comme il est extrêmement méprisant des usages et totalement ignorant d’un monde simplement contemporain« .

« Nous souhaitons qu’un projet de loi intitulé « Création et Internet » prenne en compte nos processus de création. C’est un droit. Nous désirons partager et être téléchargés, sans filtrage aucun. C’est une nécessité.« 

Poptronics est allé au charbon cet été, au côté d’autres  » artisans  » du réseau réunis au sein d’Internet mon amour (qui s’occupe avant tout d’organiser des débats autour des questions les plus brûlantes du Net, au Centre Pompidou), pour fédérer une prise de parole des auteurs, des artistes, des compositeurs, des architectes

Poptronics décrit parmi les signataires « une unité jamais vue, même en ligne, entre des artistes de milieux et de pratiques fort différents« .

« Certains émargent dans les centres d’art contemporain et les expositions internationales, à l’instar de Mathieu Briand, Claude Closky ou Alexandre Perigot, d’autres sont plutôt repérés en dehors des institutions comme Invader (il organise des invasions de villes à l’aide de mosaïques figurant les envahisseurs du jeu d’antan) ou M. Chat, figure de l’art urbain. Ce texte rapproche également des créateurs travaillant avec l’outil Internet, comme Agnès de Cayeux (qui ouvre fin septembre le projet x-réseau au Théâtre Paris-Villette) ou Grégory Chatonsky, des artistes qui travaillent le son, à l’instar de Jérôme Joy (et son labo Locus Sonus) ou du collectif Mu (qui ne se désintéresse pas des questions françaises malgré son périple au long cours sur Rhin et Danube). D’autres travaillent les formes graphiques, comme le directeur artistique de poptronics, Christophe jacquet dit Toffe ou le designer Etienne Mineur, on retrouve aussi ceux qui s’intéressent au spectacle vivant, comme le metteur en scène Philippe Quesne, très repéré depuis son succès public et critique cet été à Avignon ( » La mélancolie des dragons « ) ou encore Adrien Mondot (et son jonglage virtuel poétique en diable), et ceux qui s’intéressent au verbe, comme l’écrivain Chloé Delaume et le poète Christophe Fiat.« 


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