L’image a fait le tour du web : une vache, dans son pré, portant sur la tête un casque de réalité virtuelle. C’est le site Interesting Engineering qui a repéré l’information, le 26 novembre 2019. La scène a lieu en Russie, dans une ferme proche de Moscou. Mais que regarde-t-elle au juste ? La scène est-elle vraie ? Est-elle en train de s’amuser comme une petite folle dans un parc d’attraction virtuel pour vaches ? Pas le moins du monde : le casque lui montre simplement une prairie verte, fraîche, sereine.
Cette expérimentation n’est pas aussi « amusante » qu’il n’y paraît. Derrière, il y a un enjeu industriel et économique : répondre à la demande alimentaire toujours croissante. De nombreuses études récentes ont démontré que l’état émotionnel des animaux de la ferme pouvait avoir un impact crucial sur leur productivité. De fait, leur environnement doit être favorable à leur bien-être, à leur calme. Plusieurs solutions ont déjà été envisagées. Un journal turc évoquait par exemple, en octobre dernier, les bénéfices de la musique classique sur les vaches. Les recherches se portent également sur les nouvelles technologies.
Normalement, on peut traire une vache environ quatre fois par jour, mais cette fréquence n’est pas la norme, tant cette contrainte épuiserait les animaux. En moyenne, les producteurs optent pour deux fois par jour. Pour éviter d’avoir à augmenter ce chiffre, ils ont besoin que chaque traite apporte un haut rendement de lait. Des robots de traite nouvelle génération ont déjà commencé à révolutionner ce besoin. Comme le relatait le New York Times en 2014, ces machines permettent aux vaches de décider de leur propre traite, en se rendant aux robots d’elles-mêmes. Cela peut porter la fréquence à cinq ou six traites par jour — sans qu’elles en soient épuisées puisqu’elles y vont quand elles sont prêtes.
Le casque montre un environnement calme et estival
Les casques de réalité virtuelle sont présentés comme une solution différente au même problème. En Russie, les conditions sont hivernales durant une grande partie de l’année. Dans cet environnement plutôt blanc et gris, la réaction physiologique des vaches entraîne une réduction de la production de lait lors des traites. C’est un automatisme de régulation, afin de préparer l’organisme à l’hiver (faire des réserves en cas de nécessité de survie). Cela se déclenche même si, de fait, dans une ferme, il n’y a pourtant aucun risque de manque, même pendant l’hiver. C’est pour répondre à ce mécanisme hivernal que la VR est utilisée dans cette expérimentation.
Le casque, adapté à la morphologie bovine, a été développé à partir de ce que les études scientifiques nous ont appris sur l’état émotionnel des vaches, sur quel type de prairie leur procure du plaisir. En leur montrant un environnement virtuel calme et estival, le casque provoque un certain nombre de stimuli positifs afin de rendre la vache heureuse. Sa production laitière est censée s’améliorer. « Les experts ont noté une réduction de l’anxiété et une amélioration de l’humeur émotionnelle générale dans le troupeau », relève le communiqué du ministère. L’impact réel sur la productivité n’a toutefois pas encore été démontré, mais les résultats seront publiés sous la forme d’une étude plus complète, par la suite.
Cette pratique ne se développera pas sans poser toute une série de questionnements éthiques. Combien de temps peut-on mettre un casque VR sur la tête d’une vache ? Peut-on vraiment faire vivre un être vivant dans un environnement 100 % virtuel pour des besoins de production ? Relevons d’ailleurs que, parallèlement, des études ont montré que la production de lait des vaches peut être largement améliorée par… une plus grande interaction directe, dès la naissance, avec les humains.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !