Deux hommes devaient comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris ce 5 juin 2018, pour « menace de mort » et « menace de crime ». L’audience a finalement été renvoyée au mois de juillet. Sur plusieurs forums, certains internautes continuent de jubiler.

Les deux accusés n’étaient pas à l’audience, contrairement à la dizaine de journalistes présents pour couvrir le procès de leur consœur. Sur le banc de la défense, Nadia Daam devait faire face de 5 juin 2018 à deux de ses harceleurs présumés, jugés pour « menace de mort » et « menace de crime » envoyées en ligne.

L’audience sera de courte durée : à cause du déménagement du tribunal correctionnel de Paris, la défense dit ne pas avoir reçu à temps le dossier. Si la journaliste est déçue, son avocat se veut rassurant : « On a un mois à attendre, ce n’est pas beaucoup », partage-t-il, repris par un journaliste de France Info. L’objectif de Nadia Daam : montrer « que le cyber-harcèlement peut être puni ».

Nadia Daam sur Europe 1. Capture d'écran.

Nadia Daam sur Europe 1. Capture d’écran.

Remettre le cyberharcèlement dans le réel

À la suite d’une chronique sur Europe 1 où elle dénonçait les raids et harcèlement provenant de plusieurs internautes du forum « 18-25 » de jeuxvideo.com, Nadia Daam avait été à son tour prise pour cible. Menaces de mort, photomontages, faux profils sur des sites de rencontre, appels au viol, menace contre son enfant : elle a subi des attaques de toutes parts, de la part d’internautes qui s’organisent sur le fameux forum mais aussi sur la plateforme de messagerie Discord.

Au total, six internautes majeurs ont été identifiés, dont deux en région parisienne — un dernier, mineur, n’aurait reçu qu’un rappel à la loi. L’avocat de la journaliste explique à BuzzFeed qu’il s’est focalisé uniquement sur les « menaces et les menaces de mort », alors que Nadia Daam avait reçu des centaines d’autres messages de harcèlement. Selon Me Eric Morain, ce procès devrait réussir à obtenir l’impact voulu : « Ce principe de réalité va leur revenir en boomerang car ce seront eux, en chair et en os, qui seront à la barre du tribunal. Tout ça n’est pas virtuel !»

Mais est-ce pour autant si facile ?

Le sentiment d’impunité est toujours là

Si Me Morain se félicite d’avoir focalisé le procès sur les auteurs présumés les menaces et menaces de morts, il n’en reste pas moins que des dizaines de responsables de harcèlement ne sont ni poursuivis, ni inquiétés. Ce 5 juin 2018, des messages de haine à l’encontre de Nadia Daam étaient encore posté sur plusieurs forums, du 18-25 à « avenoel ». Plusieurs internautes estiment même que les personnes aujourd’hui poursuivies ne « risquent rien » car elles n’ont envoyé qu’un seul message, même si dans le code pénal, une seule menace suffit pour risquer jusqu’à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.

Capture d'écran "Avenoel"

Capture d’écran « Avenoel »

L’existence du procès de Nadia Daam a peut-être effrayé certains internautes, mais d’autres continuent paisiblement leur route. Le forum 18-25 a beau avoir mis en place une modération plus stricte — Webedia, propriétaire de jeuxvideo.com, affirmait fin 2017 avoir décidé de doubler les effectifs salariés de modération —, ils sont plusieurs à continuer de créer des sujets, très régulièrement, sur la journaliste française. La plupart ne restent pas en ligne bien longtemps avant d’être effacés, mais ils sont présents juste assez pour nourrir une discussion et un sentiment d’appartenance.

Inscription « symbolique » dans le projet de loi

Sur Twitter, où de nombreux internautes ont également interpelé et insulté Nadia Daam, la majorité des comptes concernés n’ont pas été bloqués ni censurés. La journaliste a même expliqué que plusieurs montages n’ont jamais été retirés, et certains sont encore aujourd’hui visibles en ligne.

Nantilus

Marlène Schiappa. Wikimedia/CC/Nantilus

Le harcèlement en ligne est en effet beaucoup plus difficile à prouver et à faire condamner que les menaces. Il constitue pourtant le quotidien de nombreuses personnes — souvent des femmes — prises pour cibles sur les réseaux sociaux (si vous êtes victime de cyberharcèlement, nous avons récemment dressé quelques conseils sur les manières dont vous pouvez réagir).

Sur le papier, il existe bien un projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, censé pouvoir faire condamner quelqu’un qui aurait participé à un raid de harcèlement avec « seulement quelques tweets ». Mais la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes Marlène Schiappa a elle-même concédé dans une interview à 20 Minutes qu’il s’agissait d’une « valeur symbolique »: « Comme pour l’outrage sexiste, l’inscription dans la loi de ce délit aura une valeur symbolique. À partir du moment où quelqu’un aura été condamné pour avoir cyber-harcelé une personne, en meute, cela aura valeur d’exemple.» Voilà qui ne devrait pas effrayer grand monde.

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