Vous êtes un salarié grandement exposé à l’usage d’outils numériques et vous avez du mal à vous retrouver dans vos droits et ceux de votre employeur ? Cet article vous propose d’éclaircir quelques points sur lesquels vous pourriez vous interroger.

Les outils numériques se font de plus en plus intrusifs dans la vie des salariés, mais deviennent également source de préoccupation pour les employeurs lorsqu’ils sont détournés de leur utilisation initiale.

Je consulte ma messagerie personnelle sur mon ordinateur pro de temps à autre, en ai-je le droit ?

Vous avez tout à fait le droit de consulter et envoyer des messages personnels depuis vos outils professionnels. Le droit du travail est régi par l’équilibre qu’il y a à trouver entre trois choses :

  1. Le droit à la vie privée du salarié (notamment le secret des correspondances).
  2. Le droit de propriété de l’employeur sur les outils qu’il met à la disposition de ses employés.
  3. La consécration du temps de travail du salarié à l’exécution de ses tâches.

Ce principe découle d’une vieille décision devenue célèbre en droit du travail, rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 2 octobre 2001, appelée arrêt Nikon. En termes simples, la décision établissait clairement pour le salarié un droit au respect de l’intimité de sa vie privée à laquelle l’employeur ne pouvait déroger « ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ».

Attention : cette décision a donné lieu à beaucoup d’abus, c’est pourquoi des nuances ont été apportées. Par exemple, l’usage abusif d’internet peut entraîner un licenciement pour faute grave. En 2009, la Cour de cassation validait le licenciement d’un salarié dont les relevés faisaient apparaître — pour un seul mois — une durée totale de plus de 41 heures de connexion à des fins personnelles, même chose pour la salariée s’étant connectée plus de 10 000 fois sur de très courtes périodes.

Toutefois, il ne faut pas oublier que ces connexions doivent être effectivement imputables au dit salarié.

Mon employeur a-t-il le droit de consulter mes messages privés ?

Il faut tout d’abord savoir qu’il existe une présomption de caractère professionnel vis-à-vis de tout ce que contiennent vos outils professionnels. De ce fait, votre employeur a le droit de les ouvrir hors de votre présence sans contrevenir à la loi. Ce n’est donc pas parce qu’un mail provient de votre messagerie personnelle qu’il sera considéré comme personnel a priori.

Image d'illustration. // Source : Pixabay

Image d'illustration.

Source : Pixabay

Cependant, ce message ne pourra pas être utilisé contre vous par votre employeur, c’est ce qui résulte de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui a estimé que : « le contenu des courriels produits était d’ordre privé […] sa production intégrale en justice ne pouvait être justifiée par la nécessité pour l’employeur de démontrer la volonté de l’intéressé de démissionner ou la réalité de ses horaires de travail ; que le moyen n’est pas fondé. »

Plus récemment encore, les tribunaux français jugeaient que les preuves extraites d’un compte privé Facebook étaient irrecevables et portaient une atteinte disproportionnée à la vie privée du salarié. Dans ce cas précis, l’employeur avait tenté de faire considérer les publications du salarié comme professionnelles, car obtenues via le téléphone portable professionnel d’un autre salarié, argument balayé par la Cour de cassation.

Attention cependant : si votre profil Facebook est public vous ne bénéficierez pas de la protection citée.

Sur mon ordi pro, j’ai un dossier nommé « personnel » ou « privé » : est-ce que mon employeur a le droit de les ouvrir ?

Il vous faut impérativement prendre connaissance de la charte informatique adjointe au règlement intérieur de la société pour savoir quel titrage exact rendra votre dossier personnel et donc hors d’atteinte de votre employeur. Des dénominations telles que « mes documents » ou les initiales du salarié ne seront, par exemple, pas suffisants. En l’absence de charte — et seulement en l’absence –, les mentions univoques comme « personnel » devraient suffire.

C’est là tout la question que s’est posée récemment la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 22 février 2018 dans un arrêt Libert c/ France.

Le salarié avait renommé son disque dur « d:/données personnelles », pensant ainsi bénéficier de la jurisprudence classique selon laquelle « les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel. » Le disque dur contenait de nombreux fichiers contrevenants aux règles déontologiques de l’entreprise (pornographie) et le salarié a été licencié, ce qu’il contestait devant la CEDH. En l’espèce, la charte informatique interne de l’entreprise indiquait clairement que la mention « privée » devait être utilisée pour identifier de telles informations.

Mon employeur a installé un système de surveillance, est-ce légal ?

C’est quoi le CSE ? Innovation de la loi Macron, le comité social et économique (CSE) vient remplacer les instances représentatives du personnel (IRP) tels que le comité d’entreprise (CE), le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les délégués du personnel (DP). Il est consulté et informé des questions qui intéressent l’organisation, la gestion, et la marche générale de l’entreprise et notamment sur l’introduction de nouvelles technologies et l’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité au travail (article L. 2312-8 de l’ordonnance du 22 septembre 2017).

Oui, s’il respecte toutes les dispositions et conditions nécessaires :

  1. Avant toute chose, doit être consulté le comité social et économique (CSE) en vertu de l’article L2312-38 du Code du travail.
  2. Le salarié doit être individuellement mis au courant d’un tel système et celui-ci doit pouvoir se concilier avec les droits et libertés du salarié (L.1222-4 du Code du travail).
  3. Sans oublier que cette restriction doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (L.1121-1 du Code du travail).

Est-ce que mon employeur peut me refuser un poste en télétravail ?

Le télétravail est défini par l’article L. 1222‐9 du Code du travail. Pour commencer, vous bénéficiez des mêmes droits qu’un travailleur en entreprise.

Si vous remplissez les critères, vous pouvez tout à fait demander à votre employeur d’en bénéficier, son refus devant être motivé en vertu de l’article 21 de l’Ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. Vous aurez deux ans à dater du refus de l’employeur pour saisir le Conseil de prud’hommes.

Si c’est votre employeur qui propose le télétravail, le refuser n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.

Quant aux obligations de l’employeur vis-à-vis du télétravailleur, elles sont fixées à l’article L. 1222-10 du Code du travail, l’employeur doit notamment :

  1. Informer le salarié des restrictions relatives à l’usage d’outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de celles-ci.
  2. Proposer en priorité au salarié tout poste sans télétravail correspondant à ses qualifications.
  3. Organiser annuellement un entretien individuel portant sur les conditions d’activité du salarié et sur la charge de travail.

J’ai été viré de mon emploi à la suite d’une introduction d’une nouvelle technologie… est-ce possible ?

Travail ordinateur

CC Estratton Bailey

D’après l’article L. 1233-3 du Code du travail, l’introduction d’une nouvelle technologie dans l’entreprise peut constituer une cause économique de licenciement. Ceci pour un motif non inhérent à la personne du salarié, résultant d’une suppression ou d’une transformation d’emploi introduite par la technologie en question. À savoir que ce licenciement peut être mis en œuvre alors même que l’entreprise ne rencontre aucune difficulté économique ou de concurrence.

Mais, l’employeur étant soumis à une obligation générale d’adaptation des salariés à leur poste de travail, il doit tout d’abord trouver des moyens possibles d’adapter le poste de son salarié (par une formation, par exemple). Le licenciement pourra alors être prononcé si l’adaptation se révèle impossible. Si l’employeur a manqué à son obligation, vous pourrez l’attaquer sur le fondement de l’article L. 6321-1 du Code du travail.

Mon employeur me sollicite très souvent par mail et téléphone en dehors de mes heures de travail : est-ce que je commets une faute professionnelle en ne répondant pas ?

Vous ne pouvez pas être sanctionné pour ne pas avoir répondu à un message hors de vos heures de travail (périodes d’astreinte non comprises bien sûr) en vertu de votre droit à la déconnexion. C’est une innovation de la loi El Khomri en réponse à la numérisation de la société et du monde du travail.

Au travail

Aucun article de loi ne prévoit explicitement ce droit, il doit être négocié annuellement en interne dans une convention. Le non-respect de cette obligation est sanctionné d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende sans parler du risque pour l’employeur d’être accusé de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir les atteintes à la santé de ses salariés.

De grandes sociétés commencent à communiquer au sujet de ce droit à la déconnexion :

  •  Saint Maclou, ayant négocié avec les organisations syndicales un accord (16 janvier 2018) sur le droit à la déconnexion et le bon usage professionnel des outils numériques.
  • Enedis, ayant également signé un accord et testant actuellement une application de détox digitale, d’après Novethic.

À voir si l’application de ce droit sera effective ou servira plus d’outil marketing pour les entreprises.

une comparateur meilleur vpn numerama

Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !