Le procès judiciaire dans lequel se trouve Google au sujet de sa domination sur le web est aussi une affaire de survie pour Firefox. Le démantèlement potentiel de l’entreprise américaine pourrait par ricochet asphyxier le célèbre navigateur libre, dernier bastion d’une certaine idée du web.

L’avenir de Firefox est plus que jamais en péril. Ce n’est pas nouveau, mais c’est le message qu’a répété le directeur financier de Mozilla, l’éditeur du navigateur web, dans le cadre du procès opposant Google à l’administration américaine. Un message adressé au tribunal chargé du dossier, dans des termes choisis, et plus pondérés, mais qui rappelle la situation difficile dans laquelle se trouve le projet. Et qui pourrait encore s’aggraver.

Tout part de la décision rendue début août 2024 par la justice américaine, dans laquelle il est établi que Google a maintenu illégalement ses positions dans le marché de la recherche en ligne. L’entreprise américaine a en effet versé des milliards de dollars à des partenaires comme Apple ou Mozilla pour être le moteur de recherche par défaut dans leurs produits — l’iPhone pour le premier, Firefox pour le second.

Désormais considérée comme une société en position monopolistique, la firme de Mountain View voit planer au-dessus de sa tête le risque d’un possible démantèlement partiel. Concrètement, le géant du web pourrait être contraint de se séparer de certains de ses bijoux de famille comme le navigateur web Chrome (dont la part de marché mondiale se situe vers les 66 %) ou bien le système d’exploitation mobile Android (72 %).

Mozilla s’inquiète des effets du procès de Google sur le destin de Firefox

C’est dans ce cadre que Mozilla a envoyé Eric Muhlheim, son directeur financier, pour expliquer à la cour dans quelle mesure l’issue de ce dossier pourrait avoir des répercussions considérables pour d’autres acteurs de l’écosystème web, à commencer par Firefox. Car c’est de notoriété publique : les finances de Mozilla sont principalement alimentées par l’agent de Google, dans le cadre du partenariat sur la recherche.

« Ce n’est un secret pour personne que les revenus de la recherche représentent une grande partie des revenus annuels de Mozilla », a résumé l’organisation dans un article paru le 2 mai. « Sans ces revenus, Mozilla et d’autres petits navigateurs indépendants pourraient être contraints de réduire leurs activités ». Un exemple ? Gecko, le moteur de rendu web développé par Mozilla, pourrait être abandonné.

Firefox
L’avenir de Firefox se joue sans doute aussi dans le procès de Google. // Source : Mozilla

Gecko est « le seul moteur de navigateur encore en lice face à Chromium de Google et WebKit d’Apple » fait remarquer Mozilla. Or, l’abandon du soutien à Gecko, qui est le dernier moteur concurrent aux deux poids lourds du web, serait néfaste pour l’innovation et la compétition. Pire : « le web sera optimisé pour des modèles commerciaux » et des priorités et des valeurs qui ne sont pas celles de Mozilla (accessibilité, choix, vie privée).

Au-delà du cas particulier de Gecko, Mozilla le dit en filigrane : l’issue de ce procès pourrait ébranler tout Firefox et tout Mozilla. « Les petits navigateurs indépendants, comme Firefox, dépendent de la monétisation par le biais de partenariats de recherche pour soutenir leur travail et investir dans l’innovation axée sur l’utilisateur », poursuit l’éditeur. C’est pour cela que des encarts sponsorisés sont vendus à l’ouverture d’un nouvel onglet.

« Sans ces partenariats, ajoute Firefox, nous serions confrontés à de sérieuses contraintes, limitant non seulement notre capacité à nous développer, mais aussi la possibilité d’offrir une alternative à Chrome, Edge et Safari, soutenue par des organisations à but non lucratif ». Si Google dénonçait le deal en cours, Mozilla perdrait 81 % de ses revenus (selon des chiffres de 2022). Autant dire que cela pourrait lui être fatal.

Sanctionner Google, oui, mais gare aux effets indésirables qui pourraient nuire à d’autres

La menace est d’autant plus réelle que Firefox n’est pas non plus en très bonne forme. Sa part de marché a continuellement dégringolé depuis le début des années 2010 — époque où le navigateur a connu son pic, avec une part de marché aux alentours des 30 %. Sa place a ensuite fondu face à la montée irrésistible de Chrome. Un sort qu’ont connu la plupart des autres navigateurs. Aujourd’hui, Firefox se situe vers les 2,5 %.

Firefox fin
Autrefois géant du web, Firefox fait face à un péril existentiel désormais. // Source : oblende

Aussi, comme message à passer au procès U.S. v. Google sur la domination de la recherche, Mozilla a plaidé en faveur d’outils permettant de casser les pratiques anticoncurrentielles dans la recherche en ligne. Mais, a ajouté l’éditeur, cela ne doit pas se faire au prix d’une mise à mort de la concurrence dans les navigateurs web. Le remède ne doit pas être pire que le mal, en somme.

« Nous pensons que la Cour devrait s’assurer que les petits navigateurs indépendants ne soient pas lésés par les mesures correctives finales, écrit ainsi Mozilla. Sans cela, nous risquons d’échanger un monopole contre un autre et le web dynamique et centré sur l’utilisateur pour lequel nous avons passé des décennies à nous battre pourrait commencer à s’estomper ». Reste à voir si la voix de Mozilla fera mouche.

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