En direct sur le réseau social chinois, des femmes se comportent comme des robots et prononcent d’étranges phrases en fixant la caméra. Cette tendance apparue sur TikTok permet à des créatrices de réaliser des gains financiers et interroge sur sa proximité avec le travail du sexe.

Natuecoco, PinkyDoll ou CherryCrush, ce sont les noms qui reviennent régulièrement lorsque le sujet des lives PNJ est abordé. Créer du contenu PNJ, c’est répéter des expressions comme « bang bang », gémir, sautiller, faire cuire des popcorns dans un lisseur… et le faire d’autant plus que ceux qui vous regardent vous envoient des tips, grâce à la monnaie virtuelle achetée sur TikTok.

Depuis quelques mois, le phénomène interpelle les internautes sur les réseaux sociaux, qui ont parfois bien du mal à comprendre ce qui se passe. « Que se passe-t-il dans cette vidéo TikTok ? J’ai l’impression de regarder un PNJ. Je suis tellement confuse », écrit ainsi une utilisatrice de Twitter le 14 juillet 2023.

Imiter les personnages non-joueurs des jeux vidéo

Si ces streameuses semblent faire des mouvements bizarres et parler comme des robots, c’est en fait parce qu’elles se comportent comme des personnages non-joueurs (PNJ), ou non-playable character (NPC) en anglais. On retrouve au départ ce terme dans les jeux de rôle. Dans les jeux vidéos, il désigne ces personnages contrôlés par ordinateur que l’on rencontre en tant que joueur et qui peuvent, par exemple, nous aider dans notre quête. Vous en connaissez surement sans le savoir, comme la fée Navi dans Zelda Ocarina of Time, Cortana dans Halo, ou Philippe Strenger dans The Witcher 3.

Comme les PNJ fonctionnent à l’aide d’algorithmes, leurs comportements sont très prévisibles. Ils ont une palette d’actions et une parole très limitées. C’est ce qu’essayent de reproduire les streameuses sur leurs lives TikTok en gommant leurs comportements humains et en ayant l’air « programmées ». Lorsque vous regardez ces jeunes femmes en live, vous êtes donc comme un joueur de jeux vidéo qui se retrouve face à un PNJ qu’il peut contrôler, en lui versant de l’argent.

Avec ses oreilles de chats caractéristiques, la japonaise natuecoco est un des visages de cette trend TikTok.

Les lives PNJ, un moyen de gagner de l’argent sur TikTok

Les lives de ces influenceuses reposent majoritairement sur la fonction tipping de TikTok. Cette dernière a été introduite en 2021. L’utilisateur ou utilisatrice achète de la monnaie virtuelle qu’il est ensuite possible de dépenser durant les lives en envoyant des stickers. D’après la plateforme, 70 pièces de monnaie coûtent 85 centimes, et 3 500 pièces autour de 41 euros. Lorsqu’un internaute envoie des stickers sur un live, ceux-ci sont vus par la créatrice, qui le remercie alors, souvent en prononçant une phrase ou en effectuant un mouvement caractéristique, comme le fameux « ice cream so good » de Pinkydoll.

Si ce système peut paraitre loufoque, son existence s’explique aussi par les très faibles rémunérations sur TikTok. D’après le Nashville Film Institute, 1 000 vues sur TikTok rapporteraient entre 2 et 4 centimes. Il faudrait donc 1 million de vues pour gagner au moins 20 dollars, une somme dérisoire pour les personnes qui en vivent. Pas étonnant, dès lors, que les TikTokeuses se mettent à faire des lives pour obtenir plus de gains grâce aux stickers envoyés. Si la plupart ne coûtent pas plus d’un dollar, d’autres cadeaux virtuels peuvent valoir bien plus cher.

Pinkydoll reçoit régulièrement des cadeaux durant ses lives.

Une forme de fétichisme en live sur TikTok ?

Comme l’ont fait remarquer certains internautes sur Twitter, ces lives dans lesquels une majorité de femmes se comportent comme des poupées et répètent des phrases à l’infini pour obtenir de l’argent peuvent mettre mal à l’aise. Officiellement, les services sexuels ne peuvent pas être proposés sur TikTok.

« Le streaming NPC est littéralement du camming sans être explicitement sexuel ou avoir à interagir avec les spectateurs. »

Pourtant, le côté hypnotique des vidéos et le fait que ces créatrices imitent des personnages sans volonté propre, avec des mimiques lascives, fait penser à du contenu pour adulte, notamment lié au fétichisme de contrôle, comme pourraient le faire des cam girls. CherryCrush, une des influenceuses américaines qui surfent sur cette tendance, est d’ailleurs également une travailleuse du sexe.

Contenus sexuellement explicites ou pas, les internautes n’ont pas manqué de créer toutes sortes de parodies de ces lives PNJ depuis quelques semaines…

« Je pense que c’est notre futur maintenant »

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