Une équipe de physiciens du MIT a poussé un nuage d’atomes à la densité maximale et aux températures les plus basses. Le comportement de la lumière a changé, rendant la matière invisible.

Des scientifiques du Massachusetts Institute of Technology viennent de livrer le tout premier exemple démontré du blocage de Pauli — issu du principe d’exclusion de Pauli. En d’autres termes, ils ont rendu invisible de la matière visible. Les résultats de cette expérience de physique quantique ont été publiés dans Science, le 18 novembre 2021.

Le principe d’exclusion de Pauli fait référence à une propriété fondamentale : le nuage énergétique des atomes se comporte comme une coquille. Puisqu’il y a un nombre fini de niveaux d’énergie, chaque niveau doit être habité par un atome, comme les sièges d’un bus. Des atomes se situant dans un même état quantique (dans un même bus) ne peuvent pas se retrouver dans le même espace (sur le même siège de bus), ce qui les oblige à se séparer en coquilles aux niveaux d’énergie différents (à chacun son siège). C’est aussi de là que vient le tableau périodique, qui illustre cette stabilité de la matière.

Dans cette expérimentation, les physiciens du MIT ont découvert qu’il était possible de jouer avec ce principe afin de modifier la diffusion de la lumière au sein d’un nuage d’atomes.

Un nuage d’atomes de lithium devenu invisible

Les physiciens ont dirigé des lasers sur un nuage d’atomes de lithium, afin de les rendre beaucoup plus denses et de les refroidir à l’extrême. Lorsque le nuage s’est approché au plus près du zéro absolu, à –273,15 degrés Celsius, c’est alors que le nuage en question est devenu invisible.

Les atomes ont été extrêmement refroidis et densifiés. // Source : Christine Daniloff, MIT

Les atomes ont été extrêmement refroidis et densifiés.

Source : Christine Daniloff, MIT

« Ce que nous avons observé est une forme très spéciale et simple de blocage de Pauli, qui empêche un atome de faire ce que tous les atomes feraient naturellement : diffuser la lumière », explique Wolfgang Ketterle, physicien et auteur principal de cette étude.

Que s’est-il donc passé lors de l’expérience ? Le nuage d’atomes est visible lorsque la lumière y rebondit. Plus précisément, les photons de lumière envoyés normalement par le laser sont censés pénétrer dans le nuage, à travers la « coquille ». Ces photons vont s’y entrechoquer comme dans un shaker. Lors de ces secousses, les photons se redispersent. De là provient la lumière : le nuage d’atomes est alors visible.

En rendant le nuage bien plus dense et bien plus froid, les photons ont de moins en moins de marge de manœuvre pour se disperser. Au fur et à mesure de l’expérience, les physiciens ont vu la lumière émise par le nuage décliner. De fait, en poussant la densité et les températures froides au maximum, les photons traversent les nuages d’atome comme si de rien n’était, sans être retransmis lors de leur passage au sein de la « coquille ». C’est ainsi que les atomes de lithium peuvent devenir « invisibles ».

« Cela démontre un nouveau phénomène en physique »

Prenant l’image d’une salle de concert avec un nombre de sièges limités, Wolfgang Ketterle explique : « Un atome ne peut diffuser un photon que s’il peut absorber sa force en se déplaçant vers une autre chaise. Si toutes les autres chaises sont occupées, il n’a plus la possibilité d’absorber le photon pour le rediffuser. Ainsi, l’atome devient transparent. » Or, en cas de forte densité et de températures extrêmes, les atomes sont effectivement figés à leur place et ils ne peuvent donc pas passer d’un siège à un autre. Ils perdent leur capacité à retransmettre la lumière.

« Il s’agit de la première observation claire de l’existence de cet effet, et cela démontre un nouveau phénomène en physique », se réjouit Wolfgang Ketterle.

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