C’est une « découverte inattendue » pour l’ESA. La première observation d’un nuage orphelin composé de gaz interstellaire en dehors de sa galaxie d’origine ravit les scientifiques, qui vont pouvoir continuer à l’étudier.

C’est une première : le télescope XMM-Newton de l’ESA, l’agence spatiale européenne, a pu observer un « nuage orphelin » au milieu d’un amas de galaxies. « Une découverte inattendue », a annoncé l’ESA dans une publication le 29 juin 2021. Il s’agit du tout premier nuage orphelin jamais identifié, et des chercheurs ont eu la chance de pouvoir l’observer avec beaucoup de précisions.

Les scientifiques ne s’attendaient pas à découvrir ce type de nuage : comme l’indique l’ESA dans sa note explicative, « les galaxies sont des endroits uniques, où beaucoup de choses se passent. Typiquement, les galaxies sont composées de systèmes solaires, et de ce qu’on appelle le ‘milieu interstellaire’, c’est-à-dire la matière qui remplit l’espace entre les étoiles ». Entre les galaxies, on trouve un autre type de matière, appelé « milieu intra-amas », composé de gaz chaud.

Le nuage orphelin observé par le télescope de l’ESA est composé d’une partie du milieu interstellaire, perdue dans un endroit isolé de l’amas. Il se trouve entre les galaxies, au milieu d’une poche de milieu intra-amas. Pour prendre un exemple plus concret, imaginez une soupe de raviolis : l’équivalent du nuage orphelin serait un bout de farce qui serait sorti d’un ravioli, et qui se retrouverait seul dans le bouillon.

Et jusqu’à présent, aucune étude ou observation n’avait permis d’identifier de tels nuages orphelins, ou de prouver leur existence (ou celle de bout de farce de raviolis flottant dans de la soupe, si vous préférez).

Plus grand que la Voie lactée

La découverte a été faite par un groupe de chercheurs de l’Université d’Alabama / Huntsville, aux États-Unis. Dans une étude prépubliée dans le Monthly Notice of the Royal Astronomical Society, une publication mensuelle de la société royale d’astronomie anglaise, les chercheurs ont pu détailler leur trouvaille. « Un lien direct entre les poches de milieu intra-amas et un nuage solitaire de milieu interstellaire n’avait jamais été établi jusqu’à présent », se sont-ils félicités dans leur prépublication.

« La première observation du nuage orphelin remonte en fait à 2017, lorsque le télescope japonais Subaru a repéré un petit nuage de gaz chaud d’origine inconnu dans l’amas Abell 1367, aussi connu sous le nom d’amas du Lion », explique l’ESA. Plusieurs observations aux rayons X après coup ont permis de déterminer qu’il s’agissait bien d’un nuage orphelin composé de milieu interstellaire, à la taille impressionnante : les scientifiques ont calculé qu’il était plus grand de la Voie lactée.

« C’est la première fois qu’un tel nuage a pu être observé avec des rayons X, mais également grâce à la lumière qui s’échappe du gaz chaud », continue l’ESA. « Le fait que le nuage orphelin ne soit associé à aucune galaxie indique qu’il flotte dans l’espace depuis très longtemps, ce qui rend sa survie encore plus surprenante. »

Le nuage orphelin  // Source : ESA

Le nuage orphelin

Source : ESA

Sur la photo, qui a été retouchée afin de mieux visualiser les différents éléments, le nuage en lui-même est représenté par la forme bleue. Les points rouges représentent des points de gaz chaud, et les régions visibles en blanc sur l’image sont les galaxies faisant partie de l’amas.

À la recherche de la « galaxie mère »

Les observations des chercheurs leur ont permis de trouver quelques explications sur le nuage. Tout d’abord, sur la raison de sa séparation avec sa galaxie d’origine : « les gaz intra-amas agissent comme des vents autour des galaxies, et ils sont si puissants qu’ils arrivent à aspirer du gaz interstellaire hors de leur galaxie », explique l’ESA.

Les scientifiques ont également trouvé une explication qui permet de comprendre comment le nuage a pu survivre en dehors d’une galaxie pendant aussi longtemps : un champ magnétique, assez puissant pour contrebalancer les instabilités qui auraient dû disloquer un nuage orphelin, comme la vitesse du nuage ou encore les différences de densité. L’étude ne précise pas d’où pourrait venir ce champ magnétique, ni à quoi il pourrait être dû.

Il reste donc encore certaines questions en suspens, notamment celles concernant la « galaxie mère », dont le nuage orphelin se serait échappé. Où se trouve-t-elle ? Pour l’instant, les chercheurs n’ont pas de pistes claires. Leurs observations leur ont cependant permis de trouver des indices. « Il est probable que la galaxie dont est issu le nuage soit massive, étant donné sa taille », détaille l’ESA, et « des traces de gaz chaud qui s’étendent au-delà du nuage pourraient permettre d’identifier la galaxie mère moyennant plus de données. Beaucoup de mystères entourant ce nuage pourront être levés avec de nouvelles observations. »

Les chercheurs sont en tout cas particulièrement excités par leur découverte. « Le nuage orphelin de l’amas Abell 1367 est un très bon laboratoire pour étudier l’évolution des milieux interstellaires loin de leur galaxie mère, de même que les poches de milieu intra-amas », conclut l’étude.

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