Ce mercredi 5 août, le Liban s’est réveillé en deuil : une double explosion, au port de Beyrouth, a causé la mort d’au moins 100 personnes et a fait 4 000 blessés, selon les premiers bilans. D’après les autorités libanaises, le stockage de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium serait à l’origine de la catastrophe. L’information n’est pas confirmée définitivement mais apparaît comme la plus probable à l’heure actuelle. Il se trouve que ce composé a effectivement le potentiel pour créer un accident aussi meurtrier : cela a déjà été le cas par le passé.
Le nitrate d’ammonium est un corps chimique cristallin, proche du sel, et inodore. Il est utilisé dans la composition de nombreux engrais chimiques, ainsi que dans la fabrication d’explosifs. La substance ne peut toutefois pas déclencher d’explosion à elle seule, car ce n’est pas un combustible. Il s’agit d’un comburant : il faut qu’il soit associé à un combustible pour créer une combustion et donc une explosion. La combustion se fait par réaction. Elle va se déclencher au contact, par exemple, d’hydrocarbures, d’huiles, de solvants ou de substances déjà en feu.
Le stockage doit isoler le nitrate d’ammonium
Pour cette raison, le stockage du nitrate d’ammonium n’est pas forcément dangereux en lui-même, à partir du moment où des règles très strictes sont respectées : il doit être parfaitement isolé afin de ne jamais être à côté de liquides inflammables et corrosifs, de produits phytosanitaires, ou même d’une quelconque source de chaleur. En France, le stockage de la substance est encadré par une réglementation listant de nombreux produits « incompatibles ». En plus de ce que l’on a déjà cité, ces règles impliquent d’éviter de stocker autour du nitrate d’ammonium tout ce qui peut facilement prendre feu comme la paille ou le foin. Cet isolement doit passer par des cloisons physiques dites incombustibles, ou un espace libre parfaitement dégagé et nettoyé.
À la lecture de la notice du ministère de l’Agriculture, on constate aussi que le stockage doit obéir à des règles d’entretien au quotidien, car même si le nitrate d’ammonium ne prend pas feu si facilement, plein de facteurs peuvent favoriser la création d’une combustion. Par exemple, il faut « éviter les accumulations de poussières », bien entretenir les engins électriques et de manutention à proximité pour éviter la création de points chauds, éviter tout contact avec un câble électrique, vérifier que les équipements et installations ne sont pas atteints de corrosion, et faire d’autant plus attention à tous ces détails en cas de travaux à proximité.
Un long passif d’accidents et d’usages criminels
Le nitrate d’ammonium est à l’origine de nombreux accidents industriels. En septembre 2001, en France, le stockage de 300 tonnes de cette substance a provoqué une puissante explosion à l’usine chimique AZF, causant la mort de 31 personnes. Aux États-Unis, en 2013, une explosion causée par la substance, dans une usine d’engrais au Texas, a fait 15 morts. L’un des premiers accidents de la sorte remonte à 1921, en Allemagne, provoquant 561 morts. La forte disponibilité du produit a aussi été à l’origine d’attentats impliquant cette substance, à partir d’engrais au nitrate d’ammonium. C’était le cas de l’attentat d’Oklahoma City, en 1995.
Les gaz toxiques
« Il y a des rapports de gaz toxiques relâchés dans l’explosion, alors tout le monde dans la zone doit rester à l’intérieur ou porter des masques s’il y en a », indique l’ambassade des États-Unis. Le nitrate d’ammonium est connu pour relâcher des particules toxiques. En temps normal, il peut même être à l’origine d’une forte pollution de l’air. L’inhalation prolongée des engrais contenant le nitrate d’ammonium peut avoir de graves conséquences sur la santé, comme des problèmes respiratoires, des désordres gastriques, des irritations, des conjonctivites. Dans le cas de l’accident de Beyrouth, le danger provient d’une dose anormale de particules, relâchée dans l’air par l’explosion et son puissant souffle.
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