Pourra-t-on un jour imprimer soit-même son smartphone ou sa montre connectée, sans rien comprendre à l’électronique ? C’est le rêve que fait Microsoft, qui a déposé un brevet sur une imprimante 3D capable d’assembler des composants électroniques et de programmer les micro-contrôleurs, pour faire exactement l’objet voulu par l’utilisateur. Science-fiction, ou bientôt réalité ?

On savait Microsoft très intéressé par l’impression 3D, avec l’intégration de drivers d’imprimantes 3D dans Windows 8.1, et leur support en natif. « Beaucoup d’experts pensent que l’impression 3D pourrait aider à faire éclore une Renaissance de la fabrication« , avait déclaré la firme de Redmond en juin dernier. Mais l’on ne savait pas à quel point Microsoft voyait loin, dans les capacités nouvelles que pourraient offrir les imprimantes 3D du futur.

La firme a en effet déposé un brevet (.pdf), qui vient d’être rendu public, dont le nom cache largement ses ambitions. Titré très modestement « impression tri-dimensionnelle« , le document cache en réalité une machine personnelle à fabriquer des objets électroniques à la demande. C’est beaucoup, beaucoup plus révolutionnaire que la simple impression 3D de modèles plastiques.

Sur la base d’un « substrat » obtenu par différentes techniques, l’imprimante imaginée par Microsoft serait capable d’aller piocher les composants électroniques dont elle a besoin pour concevoir un objet de toutes pièces, de A à Z. L’objectif est que Madame Michu puisse imaginer le produit de ses rêves et le fabriquer chez elle sans rien comprendre à l’électronique.

« Un utilisateur pourrait, par exemple, sélectionner une option pour inclure une fonctionnalité de monitoring de santé au sein de l’objet, tel qu’un bracelet à porter par l’utilisateur, qui soit utilisable pour détecter le rythme cardiaque de l’utilisateur. Si cette option est choisie, le module d’impression en trois dimensions pourrait déterminer quels composants doivent être utilisés pour cette fonctionnalité ainsi que la manière dont ces composants sont interconnectés dans l’objet tri-dimensionnel« , explique Microsoft. « Ainsi, dans cet exemple, un utilisateur pourrait sélectionner une fonctionnalité à inclure dans l’objet sans « comprendre » comment cette fonctionnalité doit être implémentée« .

A l’instar des cartouches d’encre que l’on met dans l’imprimante papier, Microsoft imagine donc que son imprimante 3D pourra recevoir des cartouches de composants d’affichage (LED, encres luminescentes, …), des cartouches de capteurs (lumière, son, infra-rouge, température, accéléromètre, gyroscope…), des cartouches de modules de communication (WiFi, Bluetooth, Ethernet, RFID…), ou encore des cartouches de processeurs et micro-contrôleurs. Ces derniers pourront être programmés par l’imprimante pour orchestrer l’ensemble de façon à ce que les fonctionnalités voulues par l’utilisateur fonctionnent.

Magique.

Et pas totalement irréaliste.

De la production de masse à la production personnelle massive

En eux-mêmes, les composants valent le plus souvent quelques centimes (voir dixièmes de centimes), et quelques euros pour les plus chers. Il est donc possible de proposer des cartouches de composants à des prix relativement abordables. Par ailleurs, il existe déjà des imprimantes de composants SMT (techniques de montage en surface) qui, imitant très lentement les processus industriels infernaux des usines de montage, sont capables d’aller cueillir les composants et de les placer au bons endroits sur un circuit imprimé.

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Pour Microsoft, une telle imprimante 3D ne répond pas seulement à une attente du public, avide de pouvoir réaliser chez lui des produits très personnalisés. Elle répond aussi à une logique économique. « Les économies d’échelle sont mises en place, conventionnellement, pour diminuer le coût de production des biens. Y parvenir peut impliquer des dépenses importantes significatives en capital, en usines, etc., pour produire les biens« , fait remarquer la firme de Redmond. « De plus, cela implique aussi de localiser ces usines à une distance significative d’un potentiel client. Dès lors, l’utilisation de ces techniques conventionnelles pour maximiser les économies d’échelle peut aussi résulter en des inefficacités (économiques), telles que la distribution de ces biens aux clients potentiels, la production de biens inutilisés ou non voulus, etc.« .

Avec l’impression d’objets électroniques à la demande, il n’y a certes pas d’économie échelle (sauf sur les cartouches de composants), mais il n’y a plus de coût de distribution des produits, ni de stock à gérer, de retours d’invendus, d’usines à organiser, etc.

Tout est délégué au client final, jusqu’à la R&D et au marketing, puisque c’est le consommateur qui imagine le produit qu’il veut avoir, qui le conceptualise à l’aide d’un logiciel « intelligent », et qui partage ces idées avec le reste du monde — ce qui ne sera pas sans faire naître un débat passionnant sur la propriété intellectuelle de ces inventions plus ou moins générées par ordinateur, et par les consommateurs.

Bien sûr, il ne fait aucun doute (même si le brevet n’en dit pas un mot) que Microsoft tentera de contrôler ces inventions par le biais de DRM sur les impressions 3D, ou par l’imposition de formats propriétaires sur les cartouches de composants. Mais c’est clairement une voie d’avenir qu’imagine Microsoft, où l’on verra se dessiner une zone grise entre le monde de l’open hardware (Arduino, RepRap, Raspberry Pi…), et celui de l’industrie traditionnelle au matériel propriétaire. Fascinant.


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