Dans le jargon, on pourrait le qualifier de « désassemblage rapide imprévu », ou RUD (Rapid Unscheduled Disassembly). Les cyniques diront sans doute qu’il s’agissait là d’un magnifique feu d’artifice à plusieurs millions d’euros. L’essai de la fusée Zhuque-3 le 3 décembre 2025 est en tout cas un succès en demi-teinte pour l’entreprise chinoise LandSpace.
Car l’enjeu de la journée était triple pour LandSpace : procéder d’abord au vol inaugural de son lanceur lourd, placer une charge utile en orbite, et, pour ajouter un challenge supplémentaire, ramener le premier étage du lanceur sur la terre ferme. En effet, la fusée Zhuque-3 (ou ZQ-3) doit être en partie réutilisable, comme la Falcon 9 de SpaceX.

Or, si les deux premiers objectifs du contrat ont été remplis dans la nuit du 2 au 3 décembre à 5 heures du matin (heure de Paris), le troisième n’a pas pu être atteint. En effet, le booster de ZQ-3, après son envol de la base de lancement de Jiuquan, a fini sa course en flammes dans le désert de Gobi, telle une boule de feu frappant la Terre.
Ce n’est donc pas aujourd’hui que LandSpace entrera dans l’Histoire — une réussite aurait placé l’entreprise chinoise sur la troisième marche du podium des sociétés capables de faire revenir un propulseur automatiquement sur terre après une mission spatiale. Les deux premières places sont occupées par les Américains : SpaceX (2015) et Blue Origin (2025).
Comme une Falcon 9, mais qui tourne au méthane
De fait, la barre était placée très haut pour cette première tentative. Pour maximiser ses chances, LandSpace a cependant fait le pari d’un design très similaire à la Falcon 9 de SpaceX. Même silhouette, même panneaux de stabilisation autour du fuselage, même architecture propulsive avec neuf moteurs à la base du premier étage.
Mais il y a une différence centrale entre les deux fusées. Là où la Falcon 9 s’appuie sur un mélange de kérosène et d’oxygène liquide, la Zhuque-3 se base sur un mix d’oxygène liquide et de méthane liquide — c’est d’ailleurs la recette qui est utilisée sur une autre fusée de SpaceX en développement : le Starship. Pas forcément un hasard.

Un moteur de la Zhuque-3 aurait flanché
Toutes les premières phases du vol se sont déroulées sans accroc évident, en suivant la chronologie prévue par les observateurs :
- Décollage : nominal.
- Séparation des étages : réussie à 2 minutes 14 secondes.
- Atteinte de l’orbite : confirmée.
C’est lors du retour vers la terre ferme que les choses se sont gâtées.
Les images qui circulent depuis ce matin sont impressionnantes. On y voit le premier étage redescendre du ciel, moteurs allumés pour freiner sa chute. C’est la manœuvre critique du « landing burn ». Mais très vite, à mesure que le booster s’approche du sol, on comprend que l’allumage a un problème, et que toute la structure paraît s’embraser.
Sur la base des premières données disponibles et les observations visuelles relayées par des fins connaisseurs du programme spatial chinois, comme le journaliste Andrew Jones, c’est l’un des moteurs principaux qui aurait subi une défaillance, dont la nature est encore incertaine. Une explosion a eu lieu peu après l’allumage de freinage.
Déséquilibré, arrivant légèrement de biais et surtout descendant à une allure trop rapide pour espérer un atterrissage en douceur, la fusée a tapé fortement le sol, et déclenché une grosse explosion juste à côté du site qui devait l’accueillir. Le booster s’est retrouvé éparpillé façon puzzle, mais il n’a été rapporté aucune victime ou blessé au sol.
Le crash de Zhuque-3 est saisissant visuellement — les vidéos montrent une descente enflammée spectaculaire –, mais il faut voir le verre à moitié plein : LandSpace vient de prouver techniquement qu’elle sait envoyer une charge utile en orbite avec une fusée au méthane. La mission principale reste un succès, pointe aussi SpaceNews.
Qui plus est, SpaceX a mis du temps avant de réussir la manœuvre : avant son succès de décembre 2015, la Falcon 9 avait volé vingt fois et les deux vraies tentatives d’atterrissage qui avaient précédé s’étaient soldées par des échecs. Le loupé de LandSpace n’est donc qu’une péripétie normale dans ce type d’aventure. On ne réussit pas toujours tout du premier coup.
10 ans après SpaceX, la Chine s’approche du niveau des Américains
Ironie de l’histoire, la tentative de LandSpace survient presque dix ans jour pour jour après le premier atterrissage historique d’une Falcon 9 par SpaceX (décembre 2015 vs décembre 2025). De fait, la Chine démontre qu’elle a su combler fortement le retard technologique avec les États-Unis, à une vitesse fulgurante — même s’il reste du travail à faire, de toute évidence.
Cela sonne en tout cas comme une mise en garde pour SpaceX, malgré les dires d’Elon Musk, qui considère notamment que le Starship « se situe à un autre niveau ». Même si la Chine est accusée de copier l’étranger, sa montée en puissance s’inscrit de plus en plus dans une transition résumée en une formule : le made in China mute petit à petit en made by China.
Avec une capacité d’emport de 18,3 tonnes en orbite basse (dans la version réutilisable), la Zhuque-3 est un véritable monstre de puissance comparée aux autres projets chinois. Ses capacités apparaissent en tout cas bien au-dessus de la future Longue Marche 12A (environ 6 tonnes de charge utile), le projet concurrent porté par le secteur public.
La Longue Marche 12A doit d’ailleurs effectuer son propre vol d’essai très prochainement, potentiellement dans la première quinzaine de décembre. La course à la réutilisation en Chine ne fait que commencer, et LandSpace conserve pour l’instant une longueur d’avance sur le secteur étatique.
Comme le résume bien CNSpaceflight : « Malgré l’anomalie de récupération, LandSpace mène indéniablement la course spatiale commerciale en Chine. »
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