Ce 22 septembre 2025, Donald Trump a déclaré à la télévision américaine que le Tylenol était mauvais s’il était pris lors de la grossesse et pouvait être associé avec un risque augmenté d’autisme chez l’enfant à naître. Pour illustrer son propos, il a cité comme exemple la situation à Cuba, établissant un lien entre l’absence de Tylenol et la prétendue absence d’autisme sur l’île. Il a ensuite recommandé fortement aux femmes enceintes de ne pas prendre ce médicament.
Le Tylenol est une marque de médicament, dont le principe actif, l’acétaminophène, est l’équivalent aux États-Unis du paracétamol.
Mais d’où lui viennent ces informations ? Qu’est-ce qui relève de la spéculation, de l’à-peu-près et qu’en pense la communauté scientifique ? Il s’agit surtout d’un enchevêtrement d’approximations, donnant lieu à des recommandations dangereuses et non-fondées.
Sur quoi se basent les affirmations de Donald Trump sur le paracétamol et l’autisme ?
Le président américain se fonderait sur une revue de la littérature parue dans la revue BMC Environmental Health en août 2025 et menée par des chercheurs d’Harvard et de l’école de médecine Icahn du Mont Sinai, à New York. Celle-ci examine le lien possible entre l’autisme et la prise de paracétamol durant la grossesse.
Le communiqué de presse de l’école de médecine Icahn du Mont Sinai conclut effectivement que cette revue de la littérature « remet en question cette perception [que le paracétamol est sans danger pour les femmes enceintes ]et souligne la nécessité de faire preuve de prudence et de mener des études supplémentaires ». Pour autant, on est loin des affirmations catégoriques du président Trump.
Si la Food and Drug Administration (FDA), soit l’agence du médicament aux États-Unis, a, elle aussi, publié un communiqué de presse à ce sujet ce 22 septembre, les termes de cet avis sont beaucoup plus mesurés : « Il est important de noter que, bien qu’une association entre le paracétamol et les troubles neurologiques ait été décrite dans de nombreuses études, aucun lien de cause à effet n’a été établi et des études contraires sont disponibles dans la littérature scientifique. »
Envisager de diminuer l’utilisation de paracétamol pendant la grossesse doit être mis en balance avec le fait que « le paracétamol est le seul médicament en vente libre approuvé pour traiter la fièvre pendant la grossesse, et qu’une forte fièvre chez la femme enceinte peut présenter un risque pour son enfant », souligne encore le communiqué de la FDA, avant de conclure en rappelant que « l’aspirine et l’ibuprofène ont des effets indésirables bien documentés sur le fœtus ».
Ce qu’en disent les scientifiques
Les réactions de la communauté scientifique ne se sont pas fait attendre. Sur le réseau social X, comme dans différents communiqués de presse ou encore sur les chaines de télévision nord-américaines, les experts se sont insurgés face à cette affirmation.
La revue Nature a publié un article paru le 22 septembre 2025 examinant les preuves potentielles qui pourraient soutenir l’affirmation du président. Dans cet article, une étude menée par l’Institut Karolinska de Stockholm sur le lien médicament-autisme, parue dans la revue JAMA en avril 2024, est citée comme étant probablement la plus grande recherche à ce sujet.

Viktor Ahlqvist, épidémiologiste et co-auteur de cette recherche, explique à Nature : « Il est difficile de déterminer s’il existe un lien entre ce médicament et l’autisme. » Par ailleurs, Nature décrit que « l’étude [parue dans JAMA] a montré qu’environ 1,42 % des enfants exposés au paracétamol pendant la grossesse étaient autistes, contre 1,33 % des enfants qui n’y ont pas été exposés », une différence considérée comme minime par Viktor Ahlqvist.
Une autre étude, extrêmement large, menée au Japon et parue au début du mois de septembre 2025, a, elle, conclut qu’aucun lien n’existe entre l’autisme et la prise de paracétamol.
David Mandell, professeur en psychiatrie à l’université de Pennsylvanie, a déclaré à l’AFP (ses propos sont relayés par France 24) : « On sait que la fièvre (…) peut augmenter le risque de retard et de troubles du développement neurologique. Il faut donc être très prudent lorsqu’on essaie de déterminer lequel de ces deux facteurs est responsable de l’augmentation du risque d’autisme. »
Risque de fièvre et autisme
Face aux affirmations véhémentes du président, pour qui les femmes doivent « tenir le coup » même si ce n’est « pas facile », Arthur Caplan, directeur de la division d’éthique médicale de l’université de New York, a déploré auprès de l’AFP : « Je crains que les femmes enceintes se sentent coupables d’avoir pris du paracétamol. Elles auront l’impression d’avoir laissé tomber leur bébé. Elles auront le sentiment d’avoir manqué à l’éthique en essayant de traiter la fièvre. C’est tout simplement injuste, et personne ne devrait ressentir cela. »
Par ailleurs, l’autisme est une maladie complexe et multifactorielle dont on ne comprend pas encore totalement les causes aujourd’hui. Le Docteur Julien Cavanagh, neurologue à l’hôpital Emory d’Atlanta, explique dans une interview auprès de Radio Canada qu’il y aurait de multiples causes qui entreraient en jeu dans l’apparition de l’autisme : des causes génétiques, des facteurs de risques, des phénomènes biologiques et des phénomènes environnementaux.
« Le consensus, c’est qu’il y aura plusieurs de ces phénomènes pour que la maladie arrive. Mais si on a une augmentation du nombre d’enfants autistes, c’est aussi parce qu’on détecte cette maladie et l’on la comprend mieux et on la répertorie beaucoup plus facilement. Ce n’est pas nécessairement une augmentation épidémique », précise-t-il.
Dans le téléjournal de Montréal, Anick Bérard, épidémiologiste périnatale et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les médicaments et la grossesse, conclut : « L’acétaminophène demeure le médicament le plus sécuritaire à prendre. Ce temps est révolu, nos femmes enceintes, nos futures mamans n’ont pas à passer 9 mois dans la douleur. »
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