Jusqu’où s’étend l’Univers ? Voilà une bonne question à se poser en regardant les étoiles, une nuit, allongés sur l’herbe. Cette volonté de comprendre et d’explorer les confins de notre Univers a permis l’émergence du télescope. Aujourd’hui, de plus en plus puissants et sophistiqués, souvent le fruit d’une collaboration internationale, voire intercontinentale, les télescopes délivrent une quantité titanesque d’informations qui sont toujours plus précises et qui posent, par conséquent, de nouveaux défis.
Présente lors de l’événement scientifique « Sur les épaules des géants » pour donner une conférence sur le thème des galaxies le 25 septembre 2025 à 18h30, Françoise Combes est une astrophysicienne à l’Observatoire de Paris dont le CV force l’admiration. Professeure au Collège de France où elle est titulaire de la chaire Galaxies et Cosmologie depuis 2014, elle est aussi éditrice de la revue européenne Astronomy & Astrophysics, depuis 2003, et présidente de l’Académie des sciences. En 2020, elle a reçu la médaille d’or du CNRS pour saluer sa carrière consacrée à l’étude de la dynamique des galaxies et, en 2021, le prix international Pour les Femmes et la Science L’Oréal-Unesco.
Numerama a pu discuter avec elle de l’exploration et la compréhension de l’Univers et des galaxies.
Entretien avec Françoise Combes, astrophysicienne
Numerama : Ces dernières années, de nombreux télescopes (Euclid, James Webb) très puissants ont été mis en fonction pour explorer l’Univers. Quels sont les nouveaux défis qu’ils soulèvent ?
Françoise Combes : Prenons Euclid, par exemple. Ce télescope a un grand champ d’observation, puisqu’il observe presque tout le ciel, contrairement aux télescopes Hubble ou James Webb qui, eux, observent le ciel sur un champ plus petit, mais plus profond. Depuis peu, les scientifiques se sont rendu compte que l’Univers était composé de 70 % d’énergie sombre. Pour le reste, l’Univers est composé de 5 % de matière ordinaire et de 25 % de matière noire.
Euclid a pour vocation d’étudier la nature de cette énergie sombre qui forme la majeure partie de notre Univers.
Bien qu’il faille attendre la fin de la campagne pour avoir les résultats, on apprend déjà beaucoup de choses en plus, notamment sur les galaxies lointaines, par exemple.
Quelle est la différence entre matière noire et matière sombre ?
Jusqu’en 1998, on pensait que l’Univers n’était composé que de la matière ordinaire ou la matière noire, détectable grâce à sa gravité. On pensait donc que l’expansion de l’Univers était ralentie par cette gravité.
Or, en 1998, la découverte de nouvelles chandelles standard nous a montré que l’expansion de l’Univers était, en réalité, accélérée. Il y a ainsi un effet répulsif qui accélère cette expansion, et ce, grâce à l’énergie sombre qui compose au total 70 % de notre Univers.
Il s’agit maintenant de comprendre mieux la nature de cette énergie en particulier.
Utilisez-vous l’intelligence artificielle dans vos recherches et si oui, de quelle manière ?
L’intelligence artificielle est déjà utilisée depuis 10 à 20 ans en astrophysique. Il y a des millions et des milliards de galaxies à repérer sur des images de télescopes et quand elles sont très lointaines, elles sont à peine visibles sous forme de petits points sur ces images.
L’IA nous aide à rechercher des galaxies, mais pas uniquement. Elle va aussi aider à :
- classifier les galaxies,
- exploiter les données. Par exemple, elle va regarder comment sont distribuées les galaxies, en groupes et amas,
- mettre en place des simulations numériques avec différents paramètres, comme le taux de formation des étoiles ou des trous noirs, pour comprendre avec quels paramètres s’est formé l’Univers. Une simulation prend beaucoup de temps à être créée par les chercheurs eux-mêmes sur un ordinateur. L’IA permet de faire des émulations, c’est-à-dire de générer de nouvelles simulations avec des paramètres intermédiaires entre ceux déjà testés.
- comparer plusieurs simulations afin de modifier et d’adapter les paramètres pour essayer de trouver quels sont ceux qui reproduisent les observations sur la formation de l’Univers.
Le boom de l’intelligence artificielle que l’on connait depuis ces dernières années a-t-il impacté vos recherches ?
Ce qui a surtout changé avec le boom de ces dernières années, c’est que de plus en plus d’algorithmes sont créés, ce dont nous nous servons.
Et, aujourd’hui, les étudiants arrivent en voulant faire de l’IA, contrairement à avant, lorsqu’ils voulaient faire de l’astrophysique, et qu’on les formait ensuite à l’IA.
Pensez-vous qu’il y a un équivalent de la Terre et des humains dans une autre galaxie que la nôtre ?
Oui, je ne pense pas que l’on soit seuls. Alors, ça peut sembler philosophique, mais statistiquement, il y a 300 milliards de galaxies rien que dans l’horizon observable. Simplement, une autre présence est quelque chose de difficile à détecter, parce que les autres galaxies sont tellement loin qu’il faudrait des millions d’années-lumière à un signal pour nous parvenir.
Un dernier mot pour finir ?
Je suis ravie de participer au festival de science « Sur les épaules des géants » organisé par la ville du Havre. C’est un évènement d’ampleur avec beaucoup de conférences, du théâtre, des expériences… Alors, bravo à la Ville du Havre !
Le festival « Sur les épaules des géants », en pratique
Le festival de vulgarisation scientifique « Sur les épaules des géants » se déroule au Havre du 25 au 27 septembre 2025.
Retrouvez le programme, les intervenants et toutes les informations pratiques.
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