Vous marchez dans la rue à la recherche de l’adresse que votre amie vous a donnée… mais qu’est-ce qui se passe dans votre cerveau à ce moment-là ? La navigation spatiale mobilise un véritable orchestre de nombreuses fonctions cognitives.
D’un côté, des processus dits de « haut niveau » : localiser son corps dans l’espace, se représenter mentalement un environnement, utiliser sa mémoire, planifier un itinéraire ou encore maintenir un objectif. De l’autre, des processus plus automatiques prennent le relais : avancer, ralentir, tourner… sans même y penser.
En réalité, le « sens de l’orientation » n’est pas une capacité unique, mais un ensemble de tâches coordonnées, réparties entre différentes zones du cerveau, qui travaillent de concert pour que vous arriviez à bon port.
Le cerveau humain s’adapte et cartographie
S’il existe bien une structure cérébrale particulièrement impliquée, c’est l’hippocampe. Cette structure jumelle, une par hémisphère, possède une forme allongée qui rappelle le poisson dont elle tire son nom.
Son rôle dans la navigation spatiale est souvent illustré par une étude devenue emblématique.


L’équipe de recherche s’intéressait à la plasticité cérébrale, cette capacité du cerveau à se réorganiser et à adapter ses connexions en fonction des apprentissages. Elle a alors remarqué que la partie postérieure de l’hippocampe des conducteurs et conductrices de taxi à Londres était plus développée que celle de personnes n’ayant pas à mémoriser le plan complexe de la ville et qui n’y naviguent pas au quotidien. Preuve, s’il en fallait, que notre cerveau s’adapte selon les expériences.
Le sens de l’orientation n’est pas inné
C’est une des questions qu’a voulu explorer Antoine Coutrot au sein d’une équipe internationale, en développant Sea Hero Quest, un jeu mobile conçu pour évaluer nos capacités de navigation. Le jeu a permis de collecter les données de plus de 2,5 millions de personnes à travers le monde, du jamais vu à cette échelle pour le domaine.
Les participant·e·s ne partageaient pas seulement leurs performances dans le jeu, mais fournissaient également des informations démographiques (âge, genre, niveau d’éducation, etc.), la ville dans laquelle iels avaient grandi, ou encore leurs habitudes de sommeil.
Alors, les hommes ont-ils vraiment « un GPS dans la tête » ? Pas tout à fait.
Les données révèlent bien une différence moyenne entre les sexes, mais cette différence est loin d’être universelle : elle varie en fonction du pays, et tend à disparaître dans ceux où l’égalité de genre est la plus forte. En Norvège ou en Finlande, l’écart est quasi nul, contrairement au Liban ou à l’Iran. Ce ne serait donc pas le sexe, mais les inégalités sociales et les stéréotypes culturels qui peuvent, à force, affecter la confiance des personnes en leur capacité à se repérer, et donc leurs performances réelles.
L’âge joue aussi un rôle : durant l’enfance, nous développons très tôt les compétences nécessaires à l’orientation et à la navigation spatiales. Après 60 ans, les capacités visuospatiales déclinent, tout comme le sens de l’orientation, qui repose, comme on l’a vu, sur de nombreuses fonctions cognitives.

… mais façonné par l’environnement
L’endroit dans lequel on grandit semble également impliqué. Celles et ceux qui ont grandi dans de petits villages sont souvent plus à l’aise dans de grands espaces. À l’inverse, les citadin·e·s, habitué·e·s à tout avoir à quelques pas, se repèrent mieux dans les environnements denses et complexes.
La forme même de la ville, et plus précisément son niveau d’organisation (que l’on appelle parfois « entropie »), influence également nos capacités d’orientation. Certaines villes très organisées, aux rues bien alignées, comme de nombreuses villes états-uniennes, présentent une entropie faible. D’autres, comme Paris, Prague ou Rome, plus « désorganisées » à première vue, possèdent une entropie plus élevée. Et ce sont justement les personnes ayant grandi dans ces villes à forte entropie qui semblent développer un meilleur sens de l’orientation.
Même l’âge auquel on apprend à conduire peut jouer. Les adolescent·e·s qui prennent le volant avant 18 ans semblent mieux se repérer que celles et ceux qui s’y mettent plus tard. Une exposition plus précoce à la navigation en autonomie sans aide extérieure (adulte, GPS…) pourrait donc renforcer ces compétences.
En somme, ce qu’on appelle le sens de l’orientation n’est pas prédéfini. Il se construit au fil des expériences, de l’environnement, et des apprentissages.

Atlas Thébault Guiochon, Ingénieur·e en neurosciences cognitives et Enseignant·e, Université Lumière Lyon 2
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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